Factures avec QR Code: «Ne mettons pas les aînés devant le fait accompli»

Image d'illusatrion. Discussion dans un tramway zurichois. | Keystone / Ayse Yavas

Exit les traditionnels bulletins roses. Dès le 1er octobre 2022, les factures avec QR Code remplaceront les autres bulletins de versements. Un changement a priori anecdotique mais qui mérite qu’on s’y attarde, alerte Pro Senectute. L’association rappelle que plus d’un quart des retraités en Suisse ont de faibles compétences numériques. Elle a lancé une campagne d’information nationale afin que personne ne reste sur le bord de la route, noyé sous un amoncellement de factures impayées.

Pourquoi on en parle. Quelque 200’000 personnes, parmi lesquelles une majorité de plus de 80 ans, auraient besoin de soutien pour cette transition — qui a commencé en 2020 — dans le pays. A défaut de reconnaître et comprendre le nouveau document, certaines personnes âgées pourraient le jeter directement à la poubelle, estime Pro Senectute. D’où un risque de rappels d’impayés, voire des poursuites.

Ce qui va changer. Dans les faits, pas grand chose ne différencie les nouvelles QR-factures des traditionnels bulletins de versement — si ce n’est la couleur, qui devient blanche, et la présence d’un QR Code.

  • Il est toujours possible de faire ses paiements par courrier, au guichet de la poste ou à un automate de paiement.

  • Pour les paiements en ligne, il suffit de scanner le QR Code à partir de l’application e-banking de la banque, depuis un ordinateur ou un smartphone.

    Il reste aussi possible d’entrer manuellement le numéro de compte et le numéro de référence afin de réaliser le paiement en ligne, comme autrefois.

Le risque. Les changements sont a priori mineurs, mais non négligeables pour une partie de la population âgée, selon Joel Goldstein, directeur de Pro Senectute Genève:

«Le risque est que la personne âgée mette directement la facture à la poubelle sans reconnaître le nouveau bulletin de versement et que les factures, notamment celles du loyer, s’accumulent à son insu.

Et les personnes âgées ne sont pas les seules à être interpellées ou ne pas avoir connaissance du changement. On se rend compte qu’il y a beaucoup de personnes actives sur le marché du travail qui s’intéressent à notre campagne.»

Peu d’informations circulent sur le changement de facturation, regrette Joël Goldstein:

«Les banques le font mais de manière numérique…»

Pour combler le vide, Pro Senectute a lancé une campagne d’information «tous azimuts», à l’échelle du pays. Vingt-cinq mille flyers ont déjà été distribués à Genève notamment via le réseau d’aide et de soins à domicile, et une vidéo explicative tourne sur les réseaux sociaux.

Derrière, la question de l’autonomie. Pour le directeur de Pro Senectute Genève, le changement de bulletin de versement ne fait qu’illustrer la nécessité de renforcer l’accompagnement administratif et technologique des personnes âgées, à l’heure où beaucoup menacent de jeter l’éponge face à la paperasse:

«On ne tiendra jamais un discours pour dire “c’était mieux avant”: le monde bouge et c’est normal. On doit en revanche réfléchir à comment emmener tout le monde à bord. Comment éviter de mettre les personnes âgées devant le fait accompli.

Aujourd’hui, il y a un vrai enjeu sur les questions du numérique, des paiements, de la gestion du budget. Il y a quantité de questionnements et on se rend compte qu’il n’y a pas encore assez pour y répondre. L’enjeu étant que les personnes âgées puissent garder leur autonomie le plus longtemps possible.»

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Un écosystème en mutation. A Genève, le dispositif de maintien à domicile est en pleine mutation. Selon la loi en vigueur depuis 2017, le médical et certaines prestations sociales relèvent de la compétence du Canton, tandis que les communes sont en charge du soutien aux tâches quotidiennes et de la lutte contre l’isolement.

Mais dans les faits, la situation n'est pas si claire et les discussions vont bon train depuis de nombreuses années. Un nouveau règlement d’application doit prochainement clarifier la répartition des tâches, et renforcer la responsabilité des communes dans le soutien aux tâches quotidiennes — dont fait partie l’accompagnement administratif.

A ce titre, les communes genevoise devront soit proposer un service social pour assurer des prestations de proximité, soit mandater un organe reconnu, comme Pro Senectute, pour le faire. Joël Goldstein se félicite de ce choix:

«Travailler au niveau des communes est intéressant, parce que les contextes sont très variés.

A Onex par exemple, vous avez une cité construite dans les années 1950 où la situation des seniors sera souvent très différente de celle des seniors des communes plus rurales. Dans ces dernières, on peut se trouver avec des seniors qui ont des biens valorisés à plusieurs millions de francs, mais qui vivent dans la précarité car ils n’ont aucune liquidité.»