Ce qui lui est reproché. Les allégations proviendraient d’«au moins trois» anciennes collaboratrices de Laurent Keller, rapporte Science. Elles concernent des faits d’injures, remarques désobligeantes, drague insistante, voire de harcèlement sexuel, auprès de collaboratrices ou d’étudiantes. Un signalement en particulier aurait motivé le licenciement du biologiste.
L’enquête, mandatée par l’université, n’a pas été confiée au groupe Impact, l’entité du canton de Vaud habituellement en charge de ces affaires – objet de récentes critiques – mais à deux avocates externes, Camille Maulini et Clara Schneuwly, membres du Collectif de défense, une étude spécialisée dans les affaires de harcèlement sexuel et qui ne fait pas mystère de son engagement.
Du côté de l’université. L’Université de Lausanne, contactée par Heidi.news, confirme que Laurent Keller ne travaille plus dans l’institution depuis le 6 février, mais indique ne pas pouvoir communiquer d’autres éléments, pour des raisons juridiques. Le laboratoire dirigé par le biologiste continue de fonctionner, et les contrats des doctorants seront respectés, précise sa porte-parole.
L’affaire intervient dans un contexte singulier pour l’UNIL, mise sous pression pour sa gestion d’affaires de harcèlement sexuel ou de sexisme entre ses murs, à la suite d’un audit externe rendu public en 2021, puis d’une enquête interne en 2022. L’institution affiche une politique de tolérance zéro sur le sujet.
Lire aussi: A l'Unil, le fléau du harcèlement sexuel entre étudiants
Des témoignages en demi-teinte. Certains témoignages recueillis par la revue américaine confirment que le biologiste de l’évolution avait la réputation d’être très entreprenant lors des événements péri-professionnels. Deux autres ex-collaboratrices contactées par Science indiquent n’avoir jamais été victimes – ni même témoins – de comportements déplacés.
La NZZ, qui a aussi mené l’enquête, confirme que plusieurs anciens collaborateurs défendent Laurent Keller, «parfois avec véhémence». Sur la base d’une demi-douzaine de témoignages, le journal alémanique évoque un chercheur décrit comme pouvant se montrer «agressif» et ne reculant pas devant les critiques «personnelles». Mais aucun n’a été témoin de faits de nature sexuelle ou d’autres comportements pénalement répréhensibles.
Du côté du mis en cause. Laurent Keller nie ces allégations, indique sa volonté de se pourvoir en justice, et rappelle que beaucoup de chercheuses et d’étudiantes avec des carrières académiques brillantes sont passées par son laboratoire.
Contacté par Heidi.news, il se dit «très affecté» et nous fait parvenir ce communiqué:
«Je fais l’objet d’allégations de comportement répréhensible que je conteste en totalité. En 2019, j’ai été blanchi d’une accusation similaire par un rapport d’enquête officiel. L’accusation nouvelle formulée à mon encontre ne repose sur aucun fait avéré. Rien ne justifie aujourd’hui la mesure de licenciement qui m’a été signifiée, après 32 années de bons et loyaux services, par le rectorat de l’Université de Lausanne. J’entends du reste ouvrir prochainement une action en justice contre cette procédure abusive.
Tout au long de ma carrière académique, j’ai attaché la plus grande importance à la science et à la transmission des savoirs dans un environnement d’études, de recherche et de travail ouvert et respectueux, sans distinction de genre, d’origine ou de hiérarchie. Ces valeurs m’ont toujours guidé, elles sont essentielles et je n’y ai jamais dérogé.»
«On dépose une action en dommages et intérêts contre l’UNIL auprès du Tribunal de prud'hommes de l'Administration cantonale», nous confirme Me Christian Bettex, l’avocat de Laurent Keller. «Les accusations sont absolument contestées et on fera valoir ça avec vigueur.»