La Chine entre dans la course aux aéronefs hypersoniques

Décollage du Jiageng, le 23 avril 2019 | Université de Xiamen (Chine)

L’université de Xiamen a testé fin avril 2019 un aéronef hypersonique – le Jiageng – dans le désert du Gobi (CN). Cet appareil est conçu pour atteindre la vitesse Mach 6, six fois la vitesse du son.

Pourquoi c’est important. Toutes les puissances aéronautiques tentent de développer des engins hypersoniques. Parfois pour le transport de passagers, mais souvent à des fins militaires. La Chine confirme donc qu’elle est dans la course.

Le vol du 23 avril. Selon l’université de Xiamen, l’aéronef est parvenu jusqu’à une altitude de 26 kilomètres, atteignant une vitesse maximale de 4300 km/h (Mach 3,5). Puis il a effectué quelques manœuvres, avant de se poser à l’aide d’un parachute.

Que sait-on de l’aéronef? Il mesure environ 9 m de long, pour une envergure de seulement 2,5 m et une masse au décollage de 3,7 tonnes. À terme, les auteurs de ce projet cofinancé par l’armée chinoise espèrent développer un avion commercial capable d’atteindre n’importe quelle destination sur terre en moins de deux heures.

Les scientifiques à l’origine du projet ont passé plus de dix ans à concevoir et construire ce prototype. L’université de Xiamen a publié un communiqué et une vidéo de l’essai (CN).

Comment vole l’engin? Une fois franchi le mur du son, le Jiageng est maintenu en l’air par une double onde de choc supersonique, un phénomène qui comprime l’air et crée une importante force de portance:

  • Une première onde de choc survient sous l’avion, et en assure la portance, ce qui rend les ailes superflues.

  • Une seconde se produit à l’entrée du moteur. De quoi comprimer l’air (qui assure le rôle de comburant) sans devoir recourir à un compresseur, comme dans un turboréacteur classique.

Comment est propulsé l’appareil? Les détails techniques sont gardés secrets, mais l’on suppose qu’il s’agit d’un super-statoréacteur (en anglais, scramjet), qui ne comporte aucune pièce mobile. Un système très performant au delà de Mach 5, mais qui ne peut fonctionner seul en deçà de la vitesse du son, faute de compression de l’air. Cela complique son utilisation, puisqu’il doit être couplé avec un autre mode de propulsion, sans doute un moteur de fusée.

Peut-on en faire un avion? Jean-Michel Schulz, un expert des technologies aéronautiques à la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud, rappelle qu’il reste de nombreux défis à relever:

«Lorsqu’on passe la vitesse Mach 5, on se retrouve confronté au “mur de la chaleur”, soit une température de 1000 à 1500 degrés à la surface de l’avion. Cela implique de trouver le moyen de refroidir l’intérieur de l’appareil, pour ne pas mettre en danger les passagers. Il faudra aussi utiliser des matériaux capables de survivre à de telles chaleurs, comme le titane. À cela s’ajoute la difficulté de manœuvrer un aéronef soumis à plusieurs ondes de choc en garantissant le confort et la sécurité du vol.»

Dans un avenir proche, Jean-Michel Schulz penche davantage pour des applications militaires plutôt que civiles: «Au delà de Mach 5, les systèmes actuels de défense antiaérienne sont incapables d’intercepter un tel missile manœuvrant.»

Y a-t-il d’autres projets en cours?

  • La Russie est la plus avancée en matière d’appareils hypersoniques. Elle a développé un missile appelé Zircon, qui est parvenu à atteindre une vitesse de 9800 km/h lors d’un test en 2017.

  • Les Etats-Unis avec Boeing ont créé un aéronef sans pilote, le X51, capable de circuler à 5300 km/h. La Nasa, Darpa et Lockheed Martin travaillent pour leur part sur un autre appareil autonome, le SR-72, qui pourra atteindre Mach 6.

  • La France a annoncé début 2019 qu’elle allait développer un missile hypersonique, l'ASN4G, capable de circuler à plus de 6000 km/h. Elle espère mener les premiers vols en 2021.