Comment protéger la planète contre les astéroïdes tueurs

Simulation d'un impact d'astéroïde majeur sur Terre (vue d'artiste) | NASA

À Washington, les scientifiques se sont réunis (EN) la semaine du 29 avril 2019 pour discuter des moyens de défendre la Terre contre les astéroïdes dangereux. Si aucun objet dangereux n’a heureusement été identifié, les astronomes profitent du colloque pour simuler un tel événement. Une manière de se préparer à l’envoi, en 2021, d’une mission américaine pour apprendre à dévier un astéroïde.

Pourquoi c’est important. Même si la Terre est relativement bien protégée par son atmosphère, de nombreux astres sont susceptibles de provoquer des dégâts localisés ou à l’échelle planétaire. Vingt mille objets sont surveillés, mais beaucoup d’autres n’ont pas encore été détectés.

Le dernier événement spectaculaire s’est produit en 2013, quand un astéroïde d’environ 20 mètres a explosé dans l’atmosphère au dessus de Tcheliabinsk (Russie), libérant 30 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima. Il n’a fait que des dégâts mineurs mais des objets plus grands n’exploseraient probablement pas avant de toucher le sol.

En 2004, l’astéroïde Apophis —de diamètre estimé entre 310 m et 680 m— était considéré comme menaçant la planète, lors de son passage en 2027. On sait aujourd’hui qu’il devrait s’approcher le 13 avril 2027 à environ 36 000 km (EN), ne menaçant que des satellites (météo, télévision, télécommunications…) à cette altitude mais pas les humains.

En quoi consiste un exercice de défense planétaire? Tous les deux ans depuis 2013, les astronomes simulent la découverte d’un astéroïde dangereux. Cette année, il s’agit d’un objet fictif de 100 m à 300 m de diamètre (EN), qui aurait 1 chance sur 100 de frapper la Terre en 2027.

Tout au long de cet exercice, des informations sont délivrées au jour le jour aux astronomes afin qu’ils décident de la méthode de défense appropriée, des moyens à mettre en œuvre et qu’ils coopèrent avec le Bureau des affaires spatiales de l’ONU. En 2017, un exercice similaire a échoué et l’objet fictif est “tombé” non loin de Marseille. Patrick Michel, astronome à l’Observatoire de la Côte d’Azur:

«Si on devait intervenir aujourd’hui, on travaillerait à l’aveugle, sans être sûr de parvenir à dévier un objet. Mais heureusement, aucun astéroïde connu ne présente de menace pour les trente prochaines années au moins».

Quels seraient les dégâts provoqués par un astéroïde? Tout dépend de la taille du bolide. Detlef Koschny, responsable du programme Objets proches de la Terre (NEO) (EN) du dispositif de surveillance de l’agence spatiale européenne, nous précise:

  • En dessous de 50 mètres, les dégâts sont très localisés. «On se contente d’évacuer la zone d’impact.»

  • Pour une taille de 100 mètres, «la zone touchée affecterait l’équivalent d’un pays comme la Suisse»

  • Pour un objet de 500 mètres, «l’impact concernerait un pays à l’échelle de l’Allemagne»

  • Pour un objet de plusieurs kilomètres, les conséquences sont globales, comme il y a 65 millions d’années: «c’est probablement la chute d’un astéroïde de 10 kilomètres qui a éradiqué les dinosaures.»

  • «Même un événement local peut entraîner des conséquences économiques étendues, à l’image de l’éruption du volcan Eyjafjöll, en Islande en 2010.» Les avions avaient été cloués au sol pendant une semaine dans toute l’Europe de l’Ouest.

Comment se protéger? Le Bureau des affaires spatiales de l’ONU coordonne les efforts des scientifiques et des agences spatiales. La NASA et l’ESA travaillent activement sur le sujet.

Trois types d’actions sont envisagées:

  • Envoyer un impacteur pour “cogner” l’astéroïde et le dévier.

  • Installer un satellite à proximité, pour exercer une légère force de gravité qui “tracte” l’astre progressivement hors de sa trajectoire. Mais cela peut prendre plusieurs décennies pour produire des effets.

  • Faire exploser une ou plusieurs charges nucléaires à proximité de l’objet pour le placer sur une autre trajectoire. «Une solution de dernier recours, réservée aux objets très gros où si on dispose de peu de temps» selon Patrick Michel, de l’Observatoire de la Côte d’azur (France).

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Vue d'artiste de l'hypothétique mission Hidalgo de déflexion d'un astéroïde. Le projectile s'appelle Don Quichote et l'observateur est son écuyer Sancho | ESA/Deimos-Space SA

Un impacteur pour jouer au billard. C’est aujourd’hui la principale solution étudiée, car relativement simple et efficace.

  • On bombarde l’astéroïde avec un projectile lancé à grande vitesse (plusieurs km/s), comme une bille lancée sur une boule de billard. Le choc dévie la boule pour la placer sur une orbite non dangereuse.

  • Pour augmenter les chances de réussite, on peut envoyer plusieurs projectiles.

Une mini-expérience a été réalisée le 5 avril sur l’astéroïde Ryugu, par la mission japonaise Hayabusa 2 (EN). Un impacteur de 2,5 kg a été projeté à 2 km/s sur Ryugu. Patrick Michel, qui participe à cette mission: «On a constaté que le cratère d’impact est plus grand que prévu, ce qui montre que nos modèles sont encore imprécis.»

Dans deux ans, la Nasa lancera la mission DART pour aller dévier —avec une vitesse d’impact de 6 km/s— le plus petit astre de l’astéroïde binaire Didymos (diamètres 750 m et 170 m). Vers 2023, l’Europe devrait envoyer la sonde Hera pour étudier le cratère de cet impact en détails et améliorer les simulations, comme l’explique Patrick Michel.

«En principe, on peut supposer qu’il faudrait dix ans pour mettre sur pied une mission de défense planétaire. Mais on court toujours plus vite quand on a un taureau qui nous fonce dessus».

La découverte d’un astéroïde menaçant peut-elle rester secrète? Aucune chance, selon Detlef Koschny, car des organisations importantes comme le Minor Planet Center (EN) ne sont pas aux ordres d’un gouvernement. De plus, les astronomes amateurs sont nombreux à participer au suivi des objets qui s’approchent de la Terre. Certains sont même capables de faire eux-mêmes des prédictions de trajectoire. En moins de trois heures, la planète serait au courant!»

Qui peut s’attaquer à un objet menaçant? Plusieurs agences spatiales sont capables de lancer un impacteur, notamment les États-Unis (NASA), l’Europe (ESA) et le Japon (JAXA), et peut-être aussi l’Inde (ISRO) ou la Chine (CNSA). Mais une telle mission se ferait très vraisemblablement au cours d’une large collaboration.

«Si le point de chute d’un astéroïde était l’Iran ou Cuba, les Etats-Unis serait-ils prêts à agir? On pourrait aussi imaginer qu’une puissance dévie un objet pour qu’il tombe sur un territoire ennemi. Mieux vaut une collaboration internationale la plus large possible, comme elle s’organise dans le cadre de l’ONU».