Pourquoi a-t-on besoin de tant de bisphénol?

Vincent Dudler, responsable de la division Evaluation des risques, à l’OSAV (Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires), répond à Greg Staley, de Lausanne.

L'intérieur des boîtes de conserve est souvent recouvert d'une pellicule composée de résine époxyde à base de bisphénol. | Keystone / Gaetan Bally

La question complète. Dans un article publié vendredi 26 juillet, Heidi.news a relayé les résultats d’une étude, parue dans la revue Environmental Health Perspectives, sur les concentrations de bisphénol S dans le sang de cochons qui sont environ 250 fois supérieures à celles du bisphénol A. Un lecteur se demande pourquoi les bisphénols sont tellement utilisés.

La réponse de Vincent Dudler, responsable de la division Evaluation des risques, à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).

Pourquoi on ne peut pas s’en passer. Lorsqu’on parle de bisphénols, on parle essentiellement du bisphénol de type A (BPA). La «brique de Lego» à bon marché que représente cette molécule est simple à utiliser chimiquement. Les propriétés mécanique et thermique du BPA sont de haute qualité.

Où trouve-t-on les bisphénols. Le BPA représente 90% des utilisations des bisphénols. On le trouve dans les plastiques, type polycarbonate. La présence de BPA permet d’obtenir des contenants, notamment alimentaires, transparents et offrant une bonne résistance thermique. Des caractéristiques très prisées dans l’industrie alimentaire (pour le prix et la facilité d’utilisation) et par les consommateurs.

  • On trouve également du BPA dans des résines époxydes. L’article le plus connu en Suisse est la colle Araldite, qui est à base de BPA. Les colles à base de ces résines sont également utilisées dans de nombreuses utilisations industrielles. Ainsi, une voiture contient plusieurs kilos de BPA, un smartphone plusieurs grammes. Les parties structurelles d’un avion sont collées avec ce genre de colles.

  • Les résines époxydes sont également utilisées dans certains contenants alimentaires: boîtes de conserve, gourdes, couvercles de bocaux en verre. Mais elles ne doivent pas être en contact avec des aliments. Deux bisphénols étaient largement utilisés dans les boîtes de conserve, les A et les F. Suite à différents problèmes, le bisphénol A diglycidyl ether (BADGE) et le F ont été interdits pour cette utilisation.

  • Enfin, la moutarde génère naturellement du bisphénol F, lors de son processus de fabrication. On en trouve ainsi des concentrations cinquante fois supérieures que les normes autorisées pour le BPA. Le bisphénol F est aussi utilisé comme résine dans les conteneurs maritimes qui transportent des céréales.

Les articles de consommation courants contenant un bisphénol:

  • BPA: bouteilles et récipients alimentaires en polycarbonate, CDs, DVDs, vaisselle réutilisable en plastique, téléphones portables, bouilloires, dispositifs médicaux, jouets. Le BPA peut être présent dans les plastiques dotés du code d’identification 3, 7 et PC

  • Résine époxyde: revêtement interne des boîtes de conserve et des cannettes de boisson, cartes de circuits imprimés (appareil électroniques)

  • Révélateur de couleurs: papiers thermiques (billets de transport, reçus bancaires et tickets de parking)

  • Divers: additifs dans les plastiques PVC (câbles, pneus), stabilisateur dans les liquides de freins, composant des résines pour les soins dentaires.

Pas de substitution nécessaire. Pour l’instant, il est impensable de rayer le BPA de la chimie. Remplacer cette substance pour obtenir les mêmes caractéristiques (transparence et résistance thermique) implique d’utiliser des molécules plus onéreuses et plus compliquées chimiquement. Cela fait 50 ans qu’elle est étudiée de manière systématique. En Europe, nous avons donc un suivi très précis de ces tests et une réglementation idoine.

Une substitution n’est pas nécessaire si les concentrations réglementaires ne sont pas dépassées.

Le BPA a été interdit en Suisse dans les biberons et les tickets de caisse davantage pour des raisons politiques et d’uniformisation avec les réglementations européennes que pour des raisons d’ordres toxicologiques.