«Il ne faut pas répéter les mêmes erreurs pour la biodiversité qu'avec le climat»
L'année 2022 s'est achevée sur un accord historique pour la biodiversité. Pourtant, celle-ci, en Suisse comme ailleurs, reste le parent pauvre, derrière la crise climatique... Comment aborder ces défis? Le point avec Bruno Oberle, directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qu'il a annoncé quitter fin 2023.
«C’est déjà la troisième fois que j’essaie de partir à la retraite», plaisante Bruno Oberle. Directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) depuis 2020, il a annoncé fin mars qu’il quitterait ses fonctions fin 2023. Le biologiste de 67 ans est un fin connaisseur des enjeux économiques et politiques liés à la protection de la nature: avant de prendre ce poste, il a été directeur de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) de 2005 à 2015, puis professeur en économie verte à l’EPFL.
L’année 2022 s’est achevée sur un accord historique à Montréal, à l’occasion de la COP15 sur la biodiversité: l’engagement des Etats à protéger au moins un tiers des terres et des mers d’ici à 2030. Pourtant, la préservation de la biodiversité, en Suisse comme ailleurs, reste l’éternel parent pauvre de la lutte écologique. Comment aborder ces défis? Entretien.
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Heidi.news – La Suisse n’est pas très bonne en matière de protection de la biodiversité. Et pourtant, les Suisses sont convaincus du contraire… Comment expliquer ce paradoxe?
Bruno Oberle – C’est vrai. On a souvent cette image du pré verdoyant avec des pissenlits en fleurs. Pourtant, ce n’est pas bon signe qu’une prairie ne puisse produire que des pissenlits, c’est le signe d’un écosystème déséquilibré, où il y a eu trop d’apports de matière organiques: c’est peut-être joli, mais c’est un véritable désert pour la biodiversité! D’une certaine façon, capitaliser sur cette image est une forme de greenwashing.
La Suisse n’est pas bonne, et ce n’est pas un problème nouveau. La raison est en partie historique. Contrairement à la France ou au Royaume-Uni, où les zones protégées étaient au départ la propriété du roi, la Suisse s’est très tôt organisée autour de territoires privés, dans un contexte de densité de population de plus en plus élevée.