- En parallèle, l’association suisse Les Expertes.ch a lancé son propre site, sur le modèle français des Expertes, en ligne depuis 2015.
Quel rapport entre ces deux projets? Aucun, si ce n'est le choix de la date de lancement. Juliette Labarthe, directrice du service égalité et diversité de l’Unige:
«Même s'il n'y a pas de lien formel, nous avons convenu d'un lancement commun, car les deux projets sont complémentaires: l’Unige s'intéresse à l'expertise universitaire, mais l'expertise peut recouper toutes sortes de profils professionnels.»
Lire aussi: Les biais de genre des investisseurs freinent les start-up dirigées par des femmes
Le constat.
D'après l’édition 2020 du Global Media Monitoring Project (GMMP), 28% des personnes citées dans les médias suisses sont des femmes, avec de fortes disparités:
- 50% en tant que témoin, pour exprimer une opinion courante ou partager une expérience personnelle,
- mais seulement 20% en tant qu’expertes.
Les femmes expertes exercent le plus souvent dans des domaines très féminisés, comme les soins, l’aide sociale ou l’art. Chez les hommes, le gros de la troupe (75%) est avocat, politicien, médecin, directeur, universitaire, ou... agent de police.
En 2021, l’Université de Zurich comptabilise 23% de femmes dans les citations, soulignant aussi qu’elles sont plus souvent citées dans un contexte privé que professionnel.
Les précédents.
Le projet de l’Unige fait suite à la campagne 100 femmes et des milliers d’autres de fin 2019.
En 2020 et 2021, Heidi.news a mené des expérimentations pour suivre la proportion de femmes citées, à travers son Gender Tracker.
Lire aussi: Heidi Gender Tracker: Pourquoi suivre la parité dans nos articles?
En 2017, Le Temps a fait son autocritique, soulignant la faible représentation des femmes dans ses pages opinions et débats.
Le projet Avis d’experts, soutenu par la RTS et le monde universitaire romand, centralise déjà les interventions médiatiques des experts et expertes universitaires romands.
Le projet 50:50 de la BBC essaie carrément, depuis 2017, de viser la parité... temporaire. C'est l'occasion d'un défi, sur plusieurs semaines, avec plusieurs rédactions partenaires.
Et ça marche? Revenons-en aux annuaires.
- Contrairement aux sites comme Avis d’expert, les annuaires ont aussi pour avantage d'aider les journalistes à sortir de leurs sentiers battus, juge Juliette Labarthe (Unige):
«Nous connaissons les contraintes de temps du métier, c'est pourquoi l'annuaire est une bonne façon d'inciter les médias à renouveler leur carnet d'adresses, et à ne plus appeler toujours les mêmes personnes.»
- En France, le succès des Expertes ne se dément pas: rares sont les journalistes à ne pas en avoir, a minima, entendu parler. Mais l’utilisent-ils régulièrement?
Le débat entre journalistes. Deux arguments antagonistes reviennent souvent dans les rédactions:
La société aurait besoin de role models inspirants, et c’est aussi la responsabilité des médias que de proposer des représentations plus variées.
Le journalisme devrait se consacrer à sa mission: raconter le monde tel qu’il est. Compenser les inégalités de genre dans nos articles serait adopter une focale déformante.
Mon avis de journaliste. Et si c’était se tromper de question?
Au fond, ces annuaires n’ont pas vocation à se substituer au travail des journalistes. En sciences, mon domaine, on évaluera la pertinence d'une source à partir de bien des critères: l'adéquation de ses travaux, leur qualité perçue, sa réputation dans la communauté scientifique...
Tout au plus ces plateformes fournissent-elles un point d’entrée supplémentaire, qui reste malgré tout bienvenu.