Évacuation de civils à Zaporijjia: l’Ukraine est-elle au bord de l’accident nucléaire?
La situation s'est dégradée autour de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, occupée par les forces russes. Un ordre d'évacuation partiel a été lancé début mai 2023. Le point sur les risques nucléaires qui se posent.
«Nous devons agir maintenant pour prévenir la menace d'un grave accident nucléaire». Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie de l’énergie atomique (AIEA), ne mâchait pas ses mots dans le communiqué publié le 6 mai dernier. Il y estimait la situation de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia comme étant «de plus en plus imprévisible et potentiellement dangereuse».
La veille, Moscou annonçait l’évacuation partielle de plusieurs régions sous contrôle russe, dont celles autour de la centrale. Le personnel de la centrale n’est pas concerné, mais cette annonce a semé un trouble légitime. Près de 40 ans après Tchernobyl, faut-il redouter un incident nucléaire majeur? Heidi.news fait le point
Pourquoi c’est toujours tendu. La centrale nucléaire de Zaporijjia est située au bord du Dniepr et au nord de la mer d’Azov, ce qui en fait une place forte stratégique pour les forces russes. Depuis sa prise de contrôle par la Russie en 2022, les défaillances se sont multipliées. Le stockage de munitions et d’explosifs sur le site, non loin du combustible usagé, ajoute à la tension, à un moment où la contre-offensive ukrainienne est vue comme imminente.
Commençons par voir le verre à moitié plein: la centrale de Zaporijjia s’appuie sur une technologie très différente de celle de Tchernobyl. Il s’agit d’un réacteur à eau pressurisée (REP), assez proche des EPR français, doté de deux circuits de refroidissement. A contrario, à Tchernobyl, il n’y avait qu’un seul niveau, l’eau radioactive était directement en contact avec la turbine qui produit l’électricité.
Peter Chernykh, rédacteur en chef du site spécialisé sur le nucléaire ukrainien InfoAtom News, expliquait à Heidi.news en août 2022: «Le technologie nucléaire utilisée à Zaporijjia est plus moderne et plus sûre. D’abord du point de vue de la conception: d’abord parce que le réacteur est dans une cuve, qu’il y a deux circuits de refroidissement, et surtout, qu’il y a un coefficient négatif de température: si le réacteur monte en température, la réaction ne sera pas accélérée (comme lors de la catastrophe Tchernobyl, ndlr), mais au contraire stabilisée.»
Après la catastrophe de Fukushima en 2011, Zaporijjia avait aussi servi de pilote pour introduire des systèmes de sécurité supplémentaires, notamment pour empêcher la formation d’hydrogène dans la cuve (posant un risque d’explosion) en cas de surchauffe de l’eau.
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Une centrale à l’arrêt... ou presque. La centrale de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, se compose de six réacteurs de 1000 MW, ce qui lui permet en temps normal d’approvisionner en électricité environ 4 millions de foyers. En août 2022, seuls deux réacteurs étaient encore en fonctionnement. Aujourd’hui, plus aucun réacteur ne produit d’électricité… Mais ils continuent de nécessiter une surveillance particulière.
- Un réacteur en «arrêt à chaud»
Le réacteur numéro 5 a été placé en «arrêt à chaud», ce qui lui permet de produire de la vapeur d’eau sur le site, nécessaire à certains process de traitement des eaux usées, soulignait l’AIEA le 21 avril dernier — mais sans produire d’électricité.
Ce point a d’ailleurs été l’occasion de divergences d’interprétations avec certaines sources russes, qui affirmaient que la centrale était entièrement à l’arrêt. La version de l’AIEA et d’Energoatom (l’exploitant ukrainien de la centrale) concordent: «Cinq réacteurs sont en état d’arrêt à froid, et le réacteur numéro 5 est en arrêt à chaud», rappelait Energoatom.