Le nombre d’animaux utilisés
En 2020, quelque 556’000 animaux ont été utilisés pour des expérimentations animales en Suisse. Sur les vingt dernières années, le nombre d’animaux utilisé tend à stagner autour de 600'000 par an, avec des fluctuations importantes.
On peut détecter une baisse tendancielle ces dernières années, souvent mise en avant par les institutions scientifiques, mais qui reste modeste.
Deux tendances antagonistes peuvent expliquer cette stagnation:
Une réduction du nombre d’animaux utilisés, impulsée par une législation (loi de 2008) et des pratiques de plus en plus contraignantes (centre 3R, commissions cantonales),
Combinée à une intensification des activités de recherche dans le pays, sous l’impulsion notamment de fonds publics de recherche, du FNS ou d’origine européenne.
Les espèces utilisées
En l’état, la loi suisse ne protège que les vertébrés, les céphalopodes (poulpes) et décapodes marcheurs (crabes, crevettes…). Ils sont les seuls concernés par le décompte de l’Osav, ce qui laisse de côté des espèces utilisées en quantité industrielle comme la mouche drosophile ou le ver nématode.
Chez les animaux protégés, la souris et le rat dominent incontestablement: à elles deux, ces espèces de rongeurs représentent près des trois-quarts (72%) des expérimentations animales. Elles sont suivies par les oiseaux et volailles (12%), notamment utilisés en recherche vétérinaire.
Les expérimentations sur les primates sont un peu à part, du fait de leur proximité avec l’humain. Seules les universités de Zürich et Fribourg utilisent des primates non humains — pas de grands singes, mais des macaques — à des fins de recherche. En Suisse en 2020, 190 primates ont été utilisés dans cette optique.
Quelques stars des labos
Focus sur quelques-unes des espèces le plus incontournables de la recherche en sciences de la vie.
Le niveau de contrainte
La contrainte imposée à l’animal dans le cadre d’une expérimentation est évaluée sur une échelle à quatre niveaux:
Sévérité 0 (42% des recherches en 2020): aucune contrainte n’est exercée sur l’animal, comme lors d’une simple observation ou d’un test de préférence.
Sévérité 1 (28%): la contrainte exercée est légère, comme un un prélèvement sanguin ou une détention solitaire pour un rongeur, d’une semaine maximum.
Sévérité 2 (26%): la contrainte exercée est dite moyenne, comme pour la pose d’un implant cérébral chez un rongeur ou un primate.
Sévérité 3 (3-4%): la contrainte est maximale pour l’animal, il peut s’agit d’une gêne majeure comme des métastases importantes ou un test de nage forcé répété.
Davantage d’expériences à contrainte élevée
Les expériences de gravité 0 et 1 ne sont pas les plus problématiques au plan éthique, et le nombre d’expériences de gravité 2 tend à stagner. En revanche, les expérimentations de gravité 3, sur des rongeurs pour leur immense majorité (74%), tendent à augmenter légèrement.
Gregor Rainer, professeur de neurosciences à l’Université de Fribourg et membre du comité directeur de l’association Recherche pour la vie:
«Je l’explique avec le succès qu’on a eu en Suisse ces dernières années avec des fonds tiers. Le degré 3 c’est souvent un peu la dernière étape avant de faire la transition d’un résultat ou d’un traitement potentiel chez l’homme. Il est aussi possible que les commissions cantonales classifient plus durement les expériences au fil des années.»
Peu de refus, beaucoup d’adaptations
Toute expérimentation animale doit être validée en amont selon un processus strict. Il s’écoule en général de l’ordre de 6 mois entre la mise au point d’une recherche ayant recours à l’animal et le feu vert des autorités. Deux acteurs principaux:
la commission cantonale pour l’expérimentation animale, qui examine les dossiers des chercheurs et recommande au service vétérinaire cantonal d’autoriser ou non une recherche
l’Osav, qui dispose d’un droit de recours de 30 jours pour refuser des dossiers une fois qu’ils sont validés au niveau cantonal
Dans les faits, les recours de l’Osav sont tout à fait exceptionnels: 1 ou 2 fois par an au maximum, sur des centaines de dossiers. C’est bien la commission cantonale — composée de scientifiques, vétérinaires, éthiciens, et deux représentants des associations de défense animale — qui est le principal organe de contrôle.
Un des reproches faits par les associations de défense des animaux au système suisse concerne le très faible taux de refus des commissions cantonales. Il est en effet inférieur à 1%.
L’essentiel du travail des commissions est ailleurs: dans 50 à 60% des cas, l’acceptation d’un dossier est conditionnée à l’adaptation du protocole, dans l’optique de mieux appliquer les principes 3R (réduire, raffiner, remplacer).
Par ailleurs, beaucoup d’ajustements ont lieu en amont du contrôle par les commissions, explique Gregor Rainer:
«Je fais de la recherche en Suisse depuis 2008 et la façon dont les commissions examinent les protocoles d’expérimentation animale a beaucoup évolué. Aujourd’hui ils regardent très attentivement, on reçoit beaucoup de demandes d’ajustement, et souvent on doit retravailler les protocoles. On doit très souvent retravailler et convaincre.
On a aussi introduit les "animal welfare officers" dans toutes les universités, souvent un vétérinaire, qui a un rôle très critique et travaille avec les chercheurs avant la soumission du projet. Si à la fin la quasi-totalité des protocoles est acceptée, c’est aussi parce que les chercheurs s’adaptent à ce niveau d’exigence et ne vont pas soumette à la commission un projet risqué. Les "mauvais" projets ne sortent pas de l’université.»