Crédits carbone: il faut des règles solides et des technologies pour restaurer la confiance

Marion Verles

Tout au long de la COP26, Heidi.news vous propose une sélection de tribunes d'experts pour en éclairer les grands enjeux. Nous donnons aujourd'hui la parole à Marion Verles, co-fondatrice de SustainCERT, une entreprise à mission de vérification des émissions de gaz à effet par les nouvelles technologies.

Un enjeu clé de la COP26 est d’aboutir à un ensemble de règles solides pour mettre en œuvre l’article 6 de l’accord de Paris, qui encadre les mécanismes d’échanges de crédits carbone entre Etats. La population helvétique – comme le reste du monde d’ailleurs – est très divisée au sujet de ces marchés.

Ce que cela signifie pour la Suisse. La Suisse— qui a prévu d’exporter une part significative de son effort de réduction des émissions en important des crédits carbones — a besoin de l’article 6 pour établir des règles communes à tous les acteurs. C’est d’ailleurs un des objectifs prioritaires de la délégation suisse à la COP26.

De nombreux pays, des instances internationales comme la banque mondiale, mais aussi le secteur privé sont en faveur des mécanismes d’échange de crédits carbone, car ils permettent d’accélérer la transformation de nos économies. Selon ces partisans, ces mécanismes pourraient réduire les coûts de plusieurs centaines de milliards de dollars chaque année et permettraient ainsi d’accélérer la transition climatique.

Les critiques de l’article 6. Les opposants quant à eux craignent qu’en l’absence de règles solides, les crédits carbone ne permettent pas de réduire les émissions, voire contribuent à leur augmentation. Un argument tout à fait fondé qui explique d’ailleurs que les négociations patinent.

  • Certains pays comme le Brésil ou l’Inde refusent la mise en place de règles strictes pour éviter le double-comptage des unités.

  • Ils poussent aussi pour que d’anciens projets encadrés par le protocole de Kyoto — et dont l’intégrité environnementale est contestée — soient acceptés dans le nouveau mécanisme.

  • Une autre importante source de critiques tient à la fiabilité des données utilisées, qui sont encore trop souvent collectées manuellement, avec des méthodes de calcul qui reposent sur des fichiers Excel vérifiés manuellement. Ces pratiques antiques sont sujettes à erreurs et biais.

Restaurer la confiance. Pour restaurer cette confiance perdue et gagner un large soutien de la part de l’opinion publique, deux conditions sont nécessaires.

  • D’une part, des règles solides applicables à tous doivent garantir que les transferts de crédits carbone contribuent à une réelle réduction des émissions, en accord avec les principes directeurs de l’Accord de Paris. Mieux vaut donc ne pas trouver d’accord à Glasgow qu’aboutir à un mauvais accord.

  • D’autre part, il est urgent de mobiliser les nouvelles technologies pour améliorer en profondeur la crédibilité des données et du processus de vérification.

Citons par exemple l’utilisation de capteurs intelligents pour suivre en temps réel les flux de données ou encore l’utilisation d’images satellites pour mesurer l’évolution du couvert forestier. Des algorithmes peuvent remplacer les feuilles de calcul, limitant ainsi les risques d’erreurs et améliorant la façon dont les résultats sont produits et vérifiés. Il est grand temps que la vérification des crédits carbone fasse son entrée dans le 21ᵉ siècle.