Ce que les chercheurs observent. Dans les quatre groupes observés —39 paternités observées— la proximité de la mère bonobo multiplie par trois les chances de succès reproductif d’un mâle. Chez le chimpanzé (7 groupes, 263 paternités), elle produit un effet opposé, en réduisant de 20% les chances de succès de leurs garçons, même si ce chiffre semble moins significatif sur le plan statistique.
Ces données confirment le poids des femelles dans l’organisation sociale des bonobos, qui forment une société le plus souvent matriarcale. Cette influence des mères dans la reproduction de leurs fils serait liée à l’évolution de l’espèce. Elle favoriserait la descendance d’une femelle sans que celle-ci ait besoin, elle-même, d’avoir plus de petits.
Chez le chimpanzé, où c’est un mâle qui domine, les mères jouent un rôle mineur dans l’organisation du groupe, ce qui expliquerait la différence constatée avec les bonobos.
Ce que font les mères bonobos pour aider leurs fils.
Elles les conduisent à proximité de femelles en chaleur.
Elles éloignent les autres mâles quand leur fils entreprend une femelle.
Elles forment des coalitions avec leurs fils pour acquérir et conserver un rôle dominant dans le groupe.
L’avis de l’expert. Frans de Waal, de l’université Emory, aux Etats-Unis, - qui n’a pas participé à ces travaux - est l’un des meilleurs spécialistes de l’intelligence sociale chez les singes:
«Ces résultats correspondent à ce qu’on sait de l’attachement des mâles bonobos à leurs mère: une fois adultes, ils restent des ‘fils à leur maman’. Contrairement au système politique mâle-mâle des chimpanzés dans lequel le statut d’un mâle est déterminé par ses alliances, le mâle bonobo coopère peu avec ses homologues et se déplace souvent avec sa mère.
Si celle-ci est de haut rang, cela leur confère un avantage considérable. Nous avons pu le constater depuis longtemps en observant les comportements, mais ces travaux en apportent la preuve avec des données de paternité.
La seul chose qui compte, d’un point de vue évolutif, c’est si la stratégie d’un mâle se traduit par une descendance. Il est évident que le bonobo tire avantage du soutien de sa mère.»
Comment se prolongent ces travaux. Comme le souligne Frans de Waal, les primatologues espèrent comprendre le rôle des femelles plus âgées et ménopausées dans le succès reproductif de leur descendance:
«Cette question d’un soutien de la grand-mère est intéressante, mais nous n’avons encore aucune réponse à ce sujet.»
Où ces observations sont-elles réalisées. Pour les bonobos, les chercheurs ont suivi des groupes qui vivent en République Démocratique du Congo (RDC), le dernier refuge de ce primate. Les observations sur le chimpanzé, dont la population est mieux répartie sur le continent africain, ont été réalisées en Côte d’Ivoire, en Tanzanie et en Ouganda.