Anatomie de la foutaise: «C’est facile de tomber dans une pensée obscure»
«La nature est un système autorégulateur de conscience», nous apprend le Dr Deepak Chopra, chantre de la guérison quantique. Du 18 au 20 juillet s’est tenu à l’Université de Neuchâtel le congrès triennal de la Société de philosophie analytique (SoPhA). Dans un auditorium surchauffé, au bord du lac, nous sommes allés assister à l’intervention de Simon-Pierre Chevarie-Cossette, professeur assistant de philosophie pratique à l’Unine, à qui l’on doit cette citation d’exemple. Destinée à illustrer quoi? La foutaise, un de ses sujets d’élection. Entretien.
Heidi.news – Vous êtes philosophe analytique, une tradition plutôt anglo-saxonne, qui s’est construite en divergence avec la philosophie dite «continentale», mieux connue sous nos latitudes. Comment vous qualifieriez la différence entre ces deux traditions?
Simon-Pierre Chevarie-Cossette – Il y a des gens qui ont écrit des livres complets là-dessus pour essayer de montrer qu’il n’y a pas de distinction claire! Essayons quand même: le philosophe analytique est la plus représentée dans les pays anglo-saxons et peut-être aussi à l’université en Suisse, à Neuchâtel en tout cas. Un de ses traits propres c’est de faire une distinction très marquée avec la sociologie. Pour le philosophe analytique il n’est pas question de donner des verdicts sur l’état du monde et de la société, on pense que c’est le rôle de l’anthropologue ou du sociologue, qui récolte des données empiriques. Moi je peux travailler sur ce qu’est mentir, mais c’est le job de scientifiques de déterminer si le mensonge fait partie de la société, si les gens mentent beaucoup ou pas. Les thèses qu’on défend sont souvent très humbles, on ne fait pas de grand diagnostic.
Il y a aussi une différence nette dans le style…
Oui une autre différence importante c’est qu’en philosophie analytique, il y a un souci de clarté, c’est même un peu une obsession. Les origines du courant remontent à la fin du 19e, début du 20e siècle, quand des penseurs (notamment autour du cercle de Vienne, ndlr.) ont estimé que la plupart des problèmes philosophiques étaient des pseudo-problèmes, qui se dégonflent pour peu que l’on se penche sérieusement sur le langage et la logique.
Aujourd’hui, plus personne ne pense cela. Mais il reste cette obsession pour la clarté et cette idée que si l’on approfondit le discours de certains philosophes continentaux (on peut penser à des figures comme Heidegger ou Hegel, ndlr.), on tombe sur des idées qui sont soit fausses, soit triviales. On s’élève d’abord contre soi-même, mais c’est vrai qu’on aime bien aussi s’attaquer à des gens comme Derrida, Lacan, à l’école critique française. Maintenant ce sont plutôt les politiciens démagogues, comme Trump, et des philosophes français qui tiennent la corde.
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