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Variole du singe: «Je ne pense pas qu’il y ait un potentiel de grande épidémie»

Eskild Petersen dans son laboratoire à l'hôpital universitaire d'Aarhus, Skejby (Danemark). | Courtoisie

Nouvelle épidémie en vue? Depuis début mai, plusieurs dizaines de cas de variole du singe ont été identifiés en Europe (dont 1 en Suisse), aux Etats-Unis et au Canada. D’après le décompte actuel, on dénombre une centaine de patients, dont une vingtaine au Royaume-Uni et une trentaine en Espagne. Profil type: un homme, jeune, homosexuel. Faut-il craindre une contagion importante?

Nous en avons discuté avec Eskild Petersen, professeur émérite en maladies infectieuses à l’Université d’Aarhus (Danemark), rédacteur en chef de la revue International Journal of Infectious Diseases, et président de la task force «maladies émergentes» de la société européenne de maladies infectieuses (Escmid).

Heidi.news – Qu'est-ce que la variole du singe et quel est son lien avec la variole?

Eskild Petersen –  Nous avons une famille de virus appelés poxvirus et le plus connu est la variole, qui a provoqué plusieurs épidémies au cours des cent dernières années et a été éradiquée en 1980. En gros, il s'agit d'une infection de tout le corps, dont le signe principal est la présence de cloques sur la peau. Le taux de mortalité est élevé, environ 30%.

La variole du singe est un poxvirus différent, mais elle présente les mêmes symptômes: le virus se propage par le sang dans tout le corps et provoque des pustules sur la peau. La variole n'était qu'une maladie humaine alors que la variole du singe a un réservoir animal, probablement les petits rongeurs comme les rats et les souris, et lorsque vous avez un contact avec ces animaux, elle se propage aux humains. Elle est connue depuis 1970, principalement en Afrique où l'on observe des cas sporadiques mais pas de grandes épidémies.


Attention aux chausse-trappes

La variole du singe ou variole simienne (monkeypox en anglais) n’a pas grand rapport avec le singe, si ce n’est les circonstances de sa découverte: elle a été identifiée pour la première fois en 1959 chez des macaques, dans une animalerie de Copenhague. De fait, le virus responsable (MPXV, de la famille des poxvirus) semble avoir pour réservoir naturel plusieurs petits rongeurs, même s’il fait parfois de courtes incursions chez le primate, humain à l’occasion.

Le premier cas chez l’homme a été identifié en 1970, en République démocratique du Congo, et des résurgences de quelques dizaines de cas sont parfois détectées depuis, la plupart en Afrique. La variole du singe est un cousin proche de la variole, un virus humain très dangereux, qui ne survit plus que dans quelques laboratoires ultra-sécurisés depuis son éradication dans les années 70.


Quelle est l'évolution de la maladie et sa létalité?

Vous aurez de la fièvre, des ganglions lymphatiques enflés à cause de la réaction du système immunitaire, vous pourrez avoir une légère toux, cela ressemble beaucoup à la grippe. Puis, environ trois jours après le début de la maladie, vous commencerez à avoir des pustules sur la peau, qui peuvent ressembler à celles de la varicelle, un autre virus «pox-like». Elles contiennent un liquide avec une grande quantité de virus et disparaîtront au cours des 7 ou 10 jours suivants, à moins que la maladie ne s’aggrave. Environ 1 à 10% des personnes infectées en meurent.

(Ce chiffre se fonde sur les foyers identifiés en Afrique, dans un contexte sanitaire beaucoup moins favorable qu’en Occident. Il faut donc plutôt retenir la fourchette basse. A ce jour, aucun décès n’a été rapporté sur la centaine de cas récents décrits en Europe et outre-Atlantique, ndlr.)

Les maladies plus graves ont tendance à se produire si votre système immunitaire ne fonctionne pas normalement, par exemple si vous avez une infection par le VIH non traitée ou si vous suivez un traitement immunosuppresseur, après une transplantation. À ma connaissance, nous n'avons pas de données sur la gravité liée à l'âge, mais on peut s'attendre à ce que les personnes de plus de 45 ans aient été vaccinées contre la variole lorsqu'elles étaient jeunes et qu'elles aient donc encore une certaine protection également contre la variole simienne.

De clusters ont été détectés depuis mai dans une dizaine de pays, en Europe et aux États-Unis, notamment au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal. Que savons-nous jusqu'à présent?

La plupart des informations proviennent du Royaume-Uni. Ce qui est inhabituel dans les cas britanniques, c'est qu'ils concernent des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Il semble donc qu'il s'agisse probablement d'une transmission sexuelle, ce qui est très plausible. Si vous avez des pustules et qu'elles sont percées, le liquide contenant le virus se répand. Il faut savoir que la variole du singe peut aussi se propager par la toux et que l'on peut être infecté par les voies respiratoires, mais c’est loin d’être aussi contagieux que la variole. En l’occurrence cette épidémie semble être liée à l'activité sexuelle, plutôt qu'à une transmission par voie aérienne.

Mais nous avons plusieurs foyers de contaminations distants, sans lien entre eux.

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