Omicron: ce qu'on sait de l'inquiétant variant venu d'Afrique

Unsplash / Fusion Medical Animation

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Le variant Omicron (B.1.1.529) de Sars-CoV-2 inquiète. Ce nouveau-venu, identifié pour la première fois au Botswana le 11 novembre et circulant en Afrique du Sud, a été identifié de par son profil mutationnel exubérant et son implication dans une poussée épidémique éclair. L’OMS et le CDC européen l’ont reconnu comme préoccupant. On fait le point.

Pourquoi on en parle. Ce nouveau variant semble plus transmissible et pourrait être capable d’échappement immunitaire, à un degré inconnu. Tout le monde redoute l’apparition d’un variant qui rebatte les cartes de la pandémie – à l’instar de Delta, qui a remplacé Alpha entre le printemps et l’été 2021. Beaucoup de pays ont décidé d’interrompre leurs vols avec l’Afrique australe, dont la Suisse.

Ce qu’il faut savoir.

  • On ne sait pas bien prédire la dangerosité d’un variant sur la base de ses seules mutations — seuls des tests virologiques couplés à des données épidémiologiques solides permettent d’attester qu’un variant change la donne. Mais les retours des scientifiques sud-africains laissent peu de doute sur le fait que le variant est inquiétant.

  • Le variant Omicron a été identifié mardi 23 novembre par l’Agence sud-africaine des maladies infectieuses (NICD), sur la base d’échantillons prélevés entre le 12 et le 20 novembre dans la province très peuplée du Gauteng.

  • Pour l’instant, quelques dizaines de génomes liés à Omicron ont été séquencés, au Botswana (4), en Afrique du Sud pour la plupart (77) et à Hong Kong (1 cas en provenance d’Afrique du Sud). La transmission communautaire de ce variant dans les pays d’Afrique australe ne fait pas de doute.

  • Un cas vient d’être annoncé en Israël, concernant un voyageur de retour du Malawi, un autre en Belgique, chez un voyageur en provenance d’Egypte. Le 27 novembre, l’Allemagne a détecté 1 cas de retour d’Afrique du Sud et les Pays-Bas 61, sur deux vols en provenance du même pays.

  • Certains détails ont filtré sur le patient dépisté à Hong-Kong, un homme de 36 ans dépisté à l’aéroport après avoir passé trois semaines en Afrique du Sud. Pleinement vacciné, il aurait été dépisté positif avec une charge virale élevée, sans symptôme perceptible. En quarantaine dans un hôtel, il aurait contaminé un homme dans la chambre voisine.

Une résurgence éclair. L’Afrique du Sud, qui a identifié le variant, est le seul pays de la région à disposer de vraies capacités de dépistage et surveillance génomique. Il n’est pas exclu que celui-ci circule, plus largement, dans les pays du sud de l’Afrique.

  • Malgré la saison estivale, l’Afrique du Sud connaît depuis début novembre une forte résurgence épidémique dans la province du Gauteng — qui comprend les métropoles de Johannesburg et Pretoria —, partie des universités.

  • Les autorités sanitaires sud-africaines se disent désormais persuadées que cette résurgence éclair est liée au nouveau variant Omicron (B.1.1.529), qui représente désormais au moins 80% des cas séquencés dans le Gauteng.

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En deux semaines, le variant B.1.1.529 (en bleu) est devenu dominant en Afrique du Sud, porté par la résurgence dans le Gauteng. | Source: ministère de la santé sud-africain.

  • Les données épidémiologiques du Gauteng suggèrent un potentiel de transmission supérieur d’au moins 30%, par comparaison avec le reste du pays où prédomine le variant Delta (Re de 1,9 dans le Gauteng vs 1,5 ailleurs).

  • Les scientifiques sud-africains soupçonnent par ailleurs que le variant circule déjà à bas bruit dans le pays, ayant identifié des signes de détection dans six autres provinces.

  • L’Afrique du Sud est peu vaccinée, ayant eu comme tous les pays africains du mal à se procurer des vaccins Covid-19 en masse. D’après les données officielles, 38% de la population est vaccinée dans le Gauteng – un tiers avec le Janssen et deux-tiers avec le Pfizer.

Le Pr Tulio de Oliveira, bio-informaticien et membre du consortium de surveillance génomique sud-africain ayant identifié le variant, en conférence de presse le 25 novembre:

«Ce variant nous a vraiment surpris, il y a un grand saut dans l’évolution [de l’épidémie] et beaucoup plus de mutations que ce que nous attendions. Il comporte beaucoup des mutations préoccupantes, et se transmet potentiellement très rapidement. Nous nous attendons à voir une pression sur le système de santé dans les prochains jours et semaines.»

Des mutations inquiétantes.

  • Le variant Omicron compte 32 mutations sur la seule protéine Spike, qui joue un rôle essentiel dans l’infection des cellules épithéliales humaines par le coronavirus. Ce nombre inédit (le triple du variant Delta), et le profil des mutations, suggèrent un potentiel de transmission et une résistance immunitaire accrus, encore à préciser.

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Profil mutationnel du variant B.1.1.529. La partie en vert correspond à la protéine en Spike, celle en rouge au domaine de liaison du récepteur. | Source: ministre de la santé sud-africain.

  • Parmi les mutations de Spike, certaines sont déjà connues pour avoir été associées à une contagiosité accrue. D’autres, à une résistance majorée aux anticorps efficaces contre les souches antérieures ou une capacité d’interférer avec le système immunitaire.

  • Le variant comporte par ailleurs trois mutations localisées dans un autre site très sensible du génome, dit de «clivage par la furine», associé à une meilleure capacité d’infection chez l’homme.

  • D’autres mutations identifiées dans le génome d’Omicron sont rares et mal comprises à ce stade.

  • Le nombre élevée de mutations et les insertions d’ARN humains suggèrent que ce nouveau variant pourrait être apparu au terme d’une longue évolution chez un patient immunodéprimé — comme c’est sans doute le cas pour Delta.

Les inconnues. Elles sont nombreuses.

  • La capacité d’échappement aux vaccins Covid-19 n’est pas connue à ce stade, mais des recherches sont déjà en cours pour répondre à cette question cruciale.

    • Pfizer-BioNTech a annoncé avoir lancé une étude, dont les premiers résultats devraient être connus «au plus tard dans deux semaines»
    • De son côté, Moderna annonce déjà une stratégie pour adapter son vaccin à ce nouveau variant le plus vite possible
  • On ignore également à quel point Omicron est capable de contourner l’immunité acquise avec une souche intérieure. Mais l’OMS évoque «un risque de réinfection accru» sur la base de «données préliminaires» non précisées.

  • On ne sait pas non plus si le variant est associé à une virulence accrue — maladie plus grave ou létalité plus prononcée — ou encore à des manifestations cliniques différentes.

  • Le gain en transmissibilité d’Omicron doit encore être évalué et précisé, sur la base de données épidémiologiques plus solides.

L’unique bonne nouvelle. Le variant est détectable au moyen des PCR rapides utilisées pour le dépistage de Covid-19:

  • Du fait du grand nombre de mutations dans la portion du génome liée à la protéine Spike, celle-ci n’est pas reconnue à la PCR.

  • En revanche, les autres portions du génome communément ciblées par la PCR sont détectées, avec une charge virale élevée (CT < 30).

Ce motif de détection, surnommé «S-gene dropout», permet d’identifier aisément le variant, dans l’attente de tests plus ciblés. C’est ce qui a permis au consortium de surveillance sud-africain (NGS-SA) de le détecter en un temps record.

L’identification d’un variant au dépistage est un outil essentiel pour ralentir sa diffusion, via le traçage des contacts et la mise en quarantaine.

Du côté des agences sanitaires.

  • Le CDC européen reconnaît d’ores et déjà Omicron comme un «variant préoccupant», le degré le plus élevé dans la hiérarchie des variants de Sars-CoV-2 à surveiller.

  • L’OMS a convoqué en urgence une réunion vendredi 26 novembre. A cette occasion, l’agence onusienne a décidé de baptiser B.1.1.529 «variant Omicron» et de le reconnaître comme un variant préoccupant.

Le monde se barricade.

  • Le Royaume-Uni a été le premier pays à réagir en ajoutant six pays africains à sa liste rouge, d’après le ministre de la santé Sajid Javid, pour lesquels les vols sont temporairement interrompus. Il s’agit de l’Afrique du Sud, de la Namibie, du Lesotho, de l’Eswatini, du Zimbabwe et du Botswana.

  • Israël a emboîté le pas au Royaume-Uni en classant plusieurs pays d’Afrique australe dans sa liste rouge, suivi de plusieurs Etats d’Europe, ainsi que des Etats-Unis. La Commission européenne s’apprête à proposer une stratégie d’ensemble pour l’Union européenne, a indiqué Ursula von der Leyen.

  • La Suisse a décidé, vendredi 26 novembre, d’interdire tous les vols en provenance d’Afrique australe. Par ailleurs, tous les voyageurs en provenance de la région, ainsi que de Honk-Kong, Belgique et Israël, doivent présenter un test Covid-19 négatif à leur entrée sur le territoire et subir une quarantaine obligatoire.

  • Fidèle à la ligne du Règlement sanitaire international dont elle se veut le garant, l’OMS a recommandé de ne pas imposer de restriction sur les déplacements internationaux à ce stade.