Swisstransplant ferme le registre national du don d'organes... sans solution de repli

Swisstransplant a ouvert le registre national du don d'organes en 2018. | Keystone / Martial Trezzini

Face au risque pour la sécurité des données, Swisstransplant jette l’éponge. Les hôpitaux n'auront plus de registre de donneurs d'organes décédés sur lequel s'appuyer, jusqu'en 2024 au moins.

La fondation Swisstransplant annonce, ce 20 octobre 2022, fermer le registre national de don d’organes «avec effet immédiat». Le registre n’acceptait déjà plus de nouvelles inscriptions depuis le lancement d’une enquête de la Confédération en janvier, sur de potentielles failles dans la sécurité des données.

Pourquoi cette décision. Les résultats de l’enquête, publiés ce jour, confirment les failles. Même si la fondation aurait pu y remédier, elle préfère jouer la carte de la prudence et fermer le registre. Franz Immer, directeur de la fondation, explique que Swisstransplant ne voulait pas risquer la confiance de la population sachant qu’avec l’entrée en vigueur du consentement présumé — accepté dans les urnes en mai —, un nouveau registre verra le jour. Reste que ce dernier ne devrait pas être mis en œuvre avant 2024 au plus tôt.

Pourquoi ce n’est pas anodin. Le registre permettait à chacun de consigner sa décision de son vivant. Avec quelque 130’000 inscrits, il était très apprécié des services de soins intensifs qui pouvaient le consulter à la mort d’un donneur potentiel. Il a permis d’identifier une vingtaine de donneurs depuis sa création en 2018.

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Ce qui va se passer. La fondation indique qu’elle informera «bientôt les personnes inscrites dans le registre des solutions et possibilités qui s’offrent à elles pour consigner leur décision» et encourage chacun à faire connaître son choix:

  • de façon informelle, en discutant avec ses proches;

  • ou de façon plus sûre, via une carte de donneur (il est possible d’en commander), dans des directives anticipées ou via le dossier électronique du patient.

Les dessous de l’affaire. C’est l’émission de télévision «Kassensturz» (SRF) qui a donné l’alerte en janvier 2022, en montrant qu’il était possible de devenir donneur d’organes à son insu. Une personne mal intentionnée pouvait inscrire n’importe qui dans le registre national, pour peu qu’elle dispose d’une photo, de l’adresse et date de naissance de la personne ciblée, falsifie sa signature et crée une adresse mail à son nom.

Après avoir pris connaissance de ces informations, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), Adrian Lobsiger, a mené une enquête entre janvier et juin 2022.

  • Le rapport confirme qu’il était «possible pour une personne de s’inscrire au registre sous le nom de quelqu’un d’autre» — d’où la suspension des inscriptions.

  • Swisstransplant a renoncé à créer une nouvelle solution d’enregistrement en ligne, puisqu’un autre registre allait voir le jour à la suite de la votation du 15 mai sur le consentement présumé au don d’organes (où le «oui» l’a emporté à 60,2%),

  • La fondation souhaitait continuer à mettre à disposition des hôpitaux le registre tel quel, sans nouvelles inscriptions. Les utilisateurs auraient toujours pu supprimer leur compte.

  • Mais le PFPDT pointait un risque en lien avec le processus de suppression des comptes. La solution envisagée par Swisstransplant aurait en effet pu conduire à «des suppressions de comptes clandestines, par des tiers non autorisés», indique le rapport.

C’est dans ce contexte que le Conseil de fondation de Swisstransplant a renoncé à son registre.

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