Sorti de prison, le «père» des premiers bébés Crispr veut reprendre la recherche

He Jiankui, lors de sa désormais célèbre conférence de presse du 28 novembre 2018, à Honk Kong. | Keystone / AP Photo / Kin Cheung

A la tête d'un labo indépendant à Pékin, aux financements mystérieux, il annonce d'ambitieuses recherches sur les thérapies géniques.

L’affaire avait secoué toute la planète science. Fin 2018, le chercheur chinois He Jiankui annonçait la naissance de Lula et Nana, les deux premiers bébés humains génétiquement modifiés. Dans le cadre d’un discret projet de recherche universitaire à Shenzhen, l’équipe avait utilisé le système de ciseaux moléculaires Crispr-Cas 9 pour insérer chez l’embryon une mutation de résistance au VIH – en dépit des risques évidents pour la santé des futurs enfants. (Trois au total, dont on ignore l’état de santé.)

Condamné à une lourde amende et trois ans de détention, le jeune (38 ans) chercheur, sorti en avril 2022, vient d’annoncer la suite de ses recherches. Le magazine américain Wired s’y est penché.

Ce qu’il nous prépare. Licencié et fustigé pour ses recherches éthiquement inacceptables, He Jiankui semble avoir fondé un laboratoire indépendant à Pékin, où il travaille sur les thérapies géniques. Sur Twitter et Weibo, depuis quelques semaines, il livre quelques détails au compte-gouttes. Ses travaux devraient porter sur trois à cinq affections héréditaires, dont la myopathie de Duchenne. Le 13 décembre, il exposait même un programme de recherche à hauteur de 50 millions de yuan (6,6 millions de francs) prévoyant le lancement d’un essai clinique dès 2025. Il prétend aussi rendre sa thérapie abordable, sans préciser comment.

Aucune thérapie génique n’est jusqu’à présent parvenue à faire ses preuves contre la myopathie de Duchenne — mais peut-être plus pour longtemps. Très puissantes, mais hors de prix et considérées comme possiblement risquées pour les patients après des accidents sérieux en essai clinique, les thérapies géniques se sont fait attendre plus longtemps que prévu. Ces dernières années, beaucoup d’observateurs prédisent une explosion du marché.

Beaucoup de mystère. Qui finance le laboratoire indépendant de He Jiankui, et ses trois autres employés? Contacté par Wired, le scientifique controversé refuse de donner des précisions sur ses financements. Quelques jours plus tôt, interrogé par Science, il indiquait avoir demandé au milliardaire Jack Ma, à la tête du groupe Alibaba, une enveloppe de 140 millions de dollars.

Le scandale mondial des bébés Crispr avait contraint la Chine à clarifier ses positions en la matière, et une certaine ambiguïté demeure aujourd’hui au sein de la communauté scientifique sur l’accueil à réserver au chercheur controversé, dont les recherches n’étaient en fait pas si secrètes. Et si le paria d’aujourd’hui était le visionnaire de demain? Lui-même n’a jamais émis de regrets, et semble convaincu de sa mission.

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A lire dans Wired (en anglais, accès libre)