Réserves de l’assurance-maladie: rendez l’argent!

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod, conseiller national (PLR/VS), explique dans cette tribune pourquoi les assurances-maladie doivent à l'avenir rendre les réserves accumulées en trop.

Les réserves, c’est un marronnier de l’assurance-maladie. Quand on constate que les caisses dorment sur un trésor de guerre et que les assurés, pressés comme des citrons, ont besoin d’un peu d’air, on se dit qu’il serait temps d’en rendre un peu.

Au hasard, cette année. Surtout quand on sait que les augmentations de prime seront de l’ordre de 6 à 8%, alors qu’il y a autant de milliards de réserves de trop.

La loi prévoit que l’assurance applique le principe de la couverture des besoins: la prime doit payer les coûts, ni plus ni moins. Cette couverture est naturellement théorique, le calcul des primes relevant d’une alchimie qui échappe à plus d’un parlementaire et à bien d’autres observateurs de la santé, même les plus avisés.

Ainsi, dans des mouvements de prudence bienvenus qui caractérisent ce que l’on pourrait parfois qualifier «d’esprit helvétique», il n’est pas rare que l’assurance reçoive davantage qu’elle ne reverse. Mieux ça que l’inverse.

Soyez rassurés, ces excédents restent là où ils doivent être. Dans les réserves. La loi interdit à l’assureur de s’enrichir, et dans l’assurance-maladie obligatoire, il n’y pas de bénéfices. Cela n’a toutefois pas empêché les réserves de gonfler au-delà du raisonnable. On comptabilise ces réserves en pourcent du minimum légal, 100% correspondant au minimum. Au-dessous, votre caisse n’est pas armée pour faire face à ses obligations. Au-delà, elle tiendra.

Selon le dernier test de solvabilité de l’OFSP, la moyenne des réserves s’établit à plus de 200%, soit près de 6 milliards de francs de réserves excédentaires. Des caisses, parmi les plus importantes, ont des réserves qui avoisinent les 250%, soit deux fois et demi le minimum légal.

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Cet argent ne sert pas les assurés. Il n’a pas été mis à contribution durant la pandémie. Il s’agit d’un bas de laine superflu. Cet argent appartient aux citoyens, il doit être rendu.

Le Conseil fédéral partage cet avis. Par ordonnance, il a introduit le principe du «knapp Kalkulierung»: les primes doivent être calculées «au plus juste». En réalité, «au plus faux». Il faut que la prime soit suffisamment mal évaluée pour ne juste pas couvrir les coûts, pour rendre petit à petit ces excédents de réserve. On peut douter que cette méthode, fixée au niveau réglementaire, soit conforme avec le principe de couverture des besoins.

Le risque existe aussi que grandisse avec le temps l’écart entre les coûts et les primes. Et au final, qu’un choc se produise, le fameux effet yo-yo, avec une augmentation brusque des primes pour rattraper la différence accumulée au fil du temps.

Ce jeudi 9 juin, le National a accepté mon initiative parlementaire (107 voies pour, 58 contre et 1 abstention, ndlr.). Pour fixer un plafond, à 150% des réserves. Au-delà, il faudra restituer le surplus, sous la forme d’un acompte sur les primes futures. Ainsi, il ne sera pas possible de faire du marketing avec les réserves et on échappe au risque de l’effet de rattrapage évoqué ci-dessus.

Le chemin pour y arriver est encore long. Des initiatives cantonales qui réclamaient peu ou prou la même chose ont été rejetées, pour simplifier le débat et se focaliser sur un seul projet. La balle est aujourd’hui dans le camp du Conseil des Etats qui a déjà voté contre ces réformes, mais de peu. Espérons que le message de la Chambre du peuple soit bien reçu cette fois-ci.