Psychologues vs assurances: «Agissons avant que le navire coule»

Yvik Adler Stephan Wenger

Yvik Adler et Stephan Wenger sont co-présidents de la Fédération suisse des psychologues (FSP). Dans cette tribune, ils reviennent sur les raisons qui poussent certaines assurances maladie à refuser de rembourser les prestations des psychologues en formation. Une plainte a été déposée par la FSP.

Le refus de certaines caisses maladie de prendre en charge les prestations des psychologues-psychothérapeutes en formation via leurs personnes encadrantes menace de laisser en ce début d’année plus de 10'000 patientes et patients sur le carreau. Avec des conséquences désastreuses pour celles et ceux qui ont brutalement dû interrompre leur suivi thérapeutique.

Ceci à un moment où la population suisse n’a jamais eu autant besoin de professionnels, pour l’aider à reprendre pied face à l’insécurité et l’anxiété ambiantes.

Pourtant, la situation est simple: comme pour les médecins assistants, les prestations des psychothérapeutes assistants peuvent être facturées par la personne qui les encadre et qui est responsable de la thérapie. Pour les médecins assistants, il s’agit d’un médecin; pour les psychothérapeutes assistants, d’un psychologue-psychothérapeute.

Lire aussi: «Plus de proximité et moins d’attente»: le nouveau système de remboursement des psy

Depuis le 1er juillet 2022, les psychologues-psychothérapeutes sont admis à facturer à l’assurance de base. C’est d’ailleurs sur ce principe que repose toute la formation postgrade des médecins et des psychothérapeutes en Suisse. Ce principe est acquis et mis en pratique depuis de nombreuses années.

Or, depuis que les psychologues-psychothérapeutes peuvent facturer à l’assurance de base, certaines assurances de Santésuisse refusent de payer sur fond de bisbille juridique. Selon cette faîtière, les bases légales feraient défaut. Toutes les caisses-maladie de Santésuisse ne sont pas de cet avis: certaines paient, comme Swica et Visana, d’autres refusent.

Lire aussi: Pourquoi les psychologues déposent plainte contre des assurances-maladie

Bref, c’est le chaos. Un chaos au détriment des patientes et des patients qui se retrouvent finalement sans thérapeute ou forcés d’en changer. Pour les psychologues-psychothérapeutes en formation, la situation est très difficile. On en dénombre près de 1500. Certains d’entre eux ont perdu leur emploi et leurs patients, et se retrouvent dans l’incertitude de pouvoir terminer leur formation postgrade.

Ils deviennent ainsi inemployables, devant le refus de payer de certaines caisses. Une partie d’entre eux a logiquement dû prendre le chemin du chômage. Une situation totalement absurde: les caisses de chômage de l’Etat se retrouvent à prendre en charge des coûts pour lesquels les assurances maladie de base refusent désormais d’entrer en matière alors qu’elles payaient ces prestations avant et ne devraient donc dépenser aucun centime supplémentaire. Et ceci tout en laissant des personnes vulnérables sur le carreau.

Alors que le domaine de la santé manque cruellement de professionnels formés, il est plus que jamais indispensable d’intégrer la relève de manière durable à notre système de santé.

Rappelons que les psychologues-psychothérapeutes en formation doivent d’abord obtenir un master en psychologie, avant de se spécialiser au moyen d’une formation postgrade de quatre à six ans, durant laquelle ils doivent notamment acquérir une expérience pratique de la psychothérapie.

Une brèche est en train de se former. Agissons avant qu’il ne soit trop tard et que tout le navire coule. Il ne faut même pas trouver de nouvelles solutions, mais juste avoir le bon sens de rétablir un système qui a toujours fonctionné. Au nom de la santé et de la formation. Pour les patientes et les patients.