Primes d'assurance-maladie: Crier au loup ou réformer?

Yannis Papadaniel

Les primes d'assurance-maladie pour 2021 seront annoncées demain, 22 septembre. Yannis Papadaniel, responsable Santé à la FRC et adjoint de la Secrétaire générale Sophie Michaud Gigon, revient sur la demande de baisse des médecins romands.

Il est intéressant de noter que la demande d’une baisse des primes d’assurance maladie en 2021, formulée par La Société médicale de la Suisse romande, ait eu tant d’échos dans les médias. Cette demande, particulièrement après le printemps 2020, est légitime: suspectés injustement – le taux de renoncement aux soins en Suisse ne cessant d’augmenter – de trop recourir à des prestations médicales, les assurés ne comprendraient pas ce qui pourrait justifier une hausse, alors même qu’ils ont évité de fréquenter hôpitaux et cabinets médicaux pendant près de deux mois.

Tout ceci plaide en effet pour que le calcul des primes d’assurance se fasse non pas sur des projections estimant les coûts de l’année à venir, méthode qui s’est souvent avérée très approximative, mais plutôt sur la base des coûts réels de l’année écoulée.

Pour autant, cette mesure changerait-elle quelque chose durablement à la problématique des primes ?

Elle apporterait bien quelques correctifs, mais elle n’aurait aucun impact durable sur le facteur principal de hausse des coûts et, respectivement, des primes. Dès lors, si on peut être reconnaissant aux médecins de se faire les défenseurs des payeurs de primes, on est tout de même enclin à leur demander quelles propositions complémentaires formulent-ils pour contrôler durablement la hausse des coûts et pour réformer le système de santé. Quelle part sont-ils prêts à assumer, voire à sacrifier afin d’alléger le fardeau des assurés, qui entre les primes, les franchises et la quote-part assument plus de 70% des dépenses de l’assurance obligatoire?

On sait davantage ce que les médecins ne veulent pas faire, moins les projets de réforme qu’ils défendent:

  • ils refusent une tarification dégressive de leurs prestations si celles-ci atteignent un volume annuel trop important,

  • ils s’opposent à une intervention directe et annuelle du Conseil fédéral susceptible d’ajuster les tarifs des prestations et supprimer les incitatifs à une surmédicalisation.

En ce sens, les associations de médecins ne sont pas différentes des autres acteurs du champ de la santé, à défendre coûte que coûte leur autonomie au détriment de mesures de fond qui exigent davantage de concertation.

La Société médicale de la Suisse romande peut ainsi bien parler au nom des assurés et attaquer les assurances-maladie, mais il faut bien remarquer que l’organisation faitière à laquelle elle se rattache, la FMH, désigne ces mêmes caisses comme leur seul interlocuteur légitime pour définir leurs tarifs…

La question des primes revient chaque année et leur augmentation incessante grève toujours plus le budget des ménages.

Proportionnellement, l’inquiétude de la population augmente en intensité. Or, aucune réforme n’a à ce jour su y mettre fin. Chacun mobilise la figure abstraite du «payeur de prime», son porte-monnaie, sa sécurité pour donner du corps à ses idées, pour justifier son opposition aux mesures discutées au Parlement, ou pour ne pas assumer ses responsabilités.

On nous promet des révolutions, on nous annonce le dossier électronique du patient et la numérisation, une uniformisation du système de financement des soins; on se plaint depuis des décennies de la cherté des médicaments génériques en Suisse.

La plupart de ces objets sont perdus dans les méandres parlementaires où ils sont débattus, et d’où ils sortent souvent détricotés. Le problème ici n’est pas le contenu des mesures mais bien la lenteur avec laquelle elles ne sont même pas prises. Et dans ce contexte où aucune mesure structurelle n’est prise, aucun effort consenti, au moment de l’annonce des primes, le spectacle peut reprendre, on peut agiter la marionnette des payeurs de primes, flatter les colères.

Passé l’automne, on pourra à nouveau prendre bien soin de ne rien proposer de concret face à des inquiétudes et des besoins pourtant bien réels qui, eux, durent.