Des soins intensifs épargnés par la vague Omicron? La task force optimiste

La vice-présidente de la task force Samia Hurst, en conférence de presse le 21 septembre 2021. | Keystone / Anthony Anex

Nous avons décidé de mettre cet article à disposition gratuitement, tant ces informations sont utiles pour comprendre l'épidémie. L'information a néanmoins un coût, n'hésitez pas à nous soutenir en vous abonnant.

Où en est-on de la cinquième vague qui secoue la Suisse? Encore à attendre les remous, répond en substance la task force Covid-19 par la voix de sa vice-présidente Samia Hurst. Le 4 janvier 2022, celle-ci a exposé des données rassurantes sur la virulence d’Omicron. Et suggéré que les soins intensifs pourraient ne pas être impactés plus que de raison, donnant du poids au scénario d’une vague hospitalière modérée. Optimiste, mais prudent.

Pourquoi prudent. L’impact actuel de l’épidémie dans les hôpitaux suisses repose quasi exclusivement sur des infections liées à Delta. C’est dans les deux prochaines semaines qu’on saura dans quelle mesure les patients Omicrons sont susceptibles d’emboliser, ou non, les soins intensifs suisses. Les données d’hospitalisation sud-africaines sont rassurantes mais peu transposables à la Suisse. Quant à celles en provenance du Royaume-Uni, elles sont encore trop fraîches.

Le calme. La Suisse connaît actuellement un niveau de circulation virale inédit, après avoir pour la première fois dépassé la barre des 20'000 cas en 24 heures. Le variant Omicron est désormais dominant dans les pays, et sera bientôt hégémonique.

Pour autant, les hospitalisations sont en légère baisse et le taux d’occupation en soins intensifs demeure stable, précise Patrick Mathys, chef de la section Gestion de crise et collaboration de l’OFSP, le 4 janvier 2022 à l’occasion du point sanitaire hebdomadaire de la Confédération.

Faut-il s’attendre à une saturation des hôpitaux dans les 15 prochains jours, lorsque les patients Omicron auront eu le temps de développer d’éventuelles formes graves de Covid-19? Pas forcément, à en croire Samia Hurst, bioéthicienne à l’Unige et vice-présidente de la task force Covid-19 de la Confédération, qui résume l’état des connaissances scientifiques:

«Les premières données sur Omicron et les soins intensifs suggèrent aussi qu’une diminution substantielle du risque, peut-être chez les personnes vaccinées ou guéries hospitalisées, fait effectivement partie des possibilités. Les effets d’Omicron sur les soins intensifs restent donc incertains.»

Un constat qui s’appuie sur l’observation de la situation outre-Manche, qui connaît une vague Omicron d’ampleur inédite avec des conséquences encore gérables sur l’hôpital.

«L’Irlande et l’Angleterre rapportent que les soins intensifs pourraient ne pas être le facteur limitant dans les hôpitaux pendant la vague Omicron», poursuit Samia Hurst:

 «Les hôpitaux de Londres par exemple constatent une augmentation rapide des admissions, mais pas encore aux soins intensifs.»

Ce phénomène pourrait être dû au décalage temporel entre la vague d’infections et son impact à l’hôpital, de l’ordre de 2 à 3 semaines avec les précédents variants. «Plus de 90% des patients Covid actuellement en soins intensifs ont une infection avec Delta», précise la bioéthicienne. Mais il a aussi sans doute trait à la moindre virulence d’Omicron.

Une moindre virulence. Evaluer la gravité des infections liées à Omicron est difficile, car il faut pouvoir faire la part des choses entre la virulence intrinsèque du variant – le risque de forme grave en cas d’infection chez une personne naïve – et sa virulence apparente au sein d’une population en partie immunisée et protégée contre les formes graves.

Mais les épidémiologistes s’y emploient, ce qui donne des estimations de virulence plutôt rassurantes, citées par la task force dans son évaluation de la situation:

Il s’avère par ailleurs que les personnes immunisées contre de précédents variants – par la grâce du vaccin ou d’une infection passée – sont assez bien protégées contre les formes graves d’infection Omicron, dont l’échappement immunitaire n’est que partiel.

La tempête. Que faut-il redouter dans les deux prochaines semaines en Suisse, si ce n’est pas une saturation des soins intensifs?

  • «Les hôpitaux remarquent de plus en plus que leur propre personnel, qui a été infecté par le Covid, est en quarantaine», précise Rudol Hauri, président des l’association des médecins cantonaux.

  • «Nombre d'entre nous ne sont ni vaccinés ni guéris du Covid-19. Nous devons nous attendre encore à un lourd fardeau sur les hôpitaux», renchérit Samia Hurst.

En somme, le double fardeau des patients Covid et des absences pour isolement-quarantaine mettrait en difficulté les services de soins classiques, plutôt que les soins intensifs. Du côté de l’OFSP, on s’attend à voir la courbe hospitalière grimper d’ici peu.

La task force prévoit aussi des difficultés inédites au sein des secteurs de l’économie. Samia Hurst:

«Pour les entreprises privées, la vague Omicron pourrait poser des défis différents de ceux des vagues précédentes, pendant lesquelles la demande a temporairement diminué. Celle-ci pourrait avoir un impact important sur la main d’œuvre, réduisant l’offre alors que la demande resterait constante. Il serait prudent pour les entreprises de préparer des mesures pour pouvoir fonctionner alors qu’une partie substantielle de leur main d’œuvre serait isolée.»

Quant à l’effet des mesures décidées juste avant Noël par le Conseil fédéral, la task force le juge insuffisant pour casser la dynamique épidémique. Samia Hurst:

«Ce que nous faisons tous en ce moment ne suffit pas à freiner la vague d’Omicron, on continue de voir une augmentation du nombre de cas semaine après semaine.

Même si les effets des mesures prises le 20 décembre pourraient encore se montrer – beaucoup de choses se sont passées, les fêtes, les vacances des écoles, la rentrée scolaire –, on voit qu’Omicron a une contagiosité beaucoup plus importante et des mesures qui auraient pu suffire pour le variant précédent ne sont pas suffisantes pour le faire redescendre. Ce n’est pas inutile, ça freine, mais ce n’est pas suffisant.»