Moderna lance le premier essai pour un vaccin ARN contre la grippe

Vaccination contre la grippe du conseiller national Beat Jans, à l'Inselspital de Berne en décembre 2020 (image d'illustration). | Keystone / Alessandro della Valle

Le laboratoire Moderna vient d’annoncer le 7 juillet qu’il lançait un essai clinique pour un candidat vaccin à ARN messager contre la grippe — qui deviendrait le premier de sa catégorie. Comme tous les derniers vaccins antigrippaux, celui-ci sera quadrivalent, c’est-à-dire qu’il ciblera les quatre principales souches influenza en circulation. L’essai, de phase 1-2, portera sur 180 volontaires américains. Le site Ars Technica s’en fait l’écho.

Pourquoi c’est intéressant. A terme, l’ambition de Moderna consiste à pouvoir intégrer à ce vaccin antigrippal trois autres antigènes de virus respiratoire: le VRS (très fréquent chez les enfants), le métapneumovirus humain (hMPV, idem), et bien sûr Sars-CoV-2. D’après Ars Technica, le laboratoire américain vise la mise au point d’un vaccin unique combiné contre les infections respiratoires, administrable tous les ans.

Les avantages de l’ARN. Les vaccins classiques (inactivés) contre la grippe saisonnière doivent être adaptés tous les ans aux souches en circulation, et cultivés à grande échelle dans des œufs fertilisés. Cette méthode est bon marché mais nécessite plusieurs mois, d’où la nécessité de s’y prendre à l’avance – avec le risque de ne pas cibler les bonnes souches. Les vaccins à ARN sont beaucoup plus rapides à adapter et produire à grande échelle.

Par ailleurs, la culture sur des œufs peut conduire à des aléas de de qualité. Comme le rappelle Ars Technica, le virus influenza H3N2 cultivé pour l’hiver 2017-2018 a fini par s’adapter à son milieu de culture, acquérant une mutation qui a rendu, en retour, les vaccins antigrippaux à peu près inefficaces contre cette souche, cette année-là.

Dernier avantage, et non des moindres: les vaccins ARN offrent la perspective de dépasser l’efficacité des vaccins antigrippaux classiques, de l’ordre de 50%. Un gain sur ce plan aurait l’avantage de mieux protéger, mais aussi de convaincre plus de gens de se faire vacciner – l’efficacité perçue étant un des principaux facteurs d’adhésion vaccinale.

Un avis d’expert. Le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Unige, considère la tolérance comme le principal enjeu pour ce futur vaccin antigrippal.

«Le vaccin classique contre la grippe est un "brave vaccin", pas très efficace, surtout chez les personnes âgées qui ont un peu d’immunosénescence. Selon les années, on est souvent autour de 40-50% d’efficacité, mais on les utilise parce qu’ils sont assez efficaces contre les formes sévères. L’avers de la médaille c’est qu’ils sont très bien tolérés.

Le vaccin de Moderna contre Covid-19 est extrêmement efficace, mais il fortement dosé et n’est pas très bien toléré. Ce sera un des enjeux du développement de sa version contre la grippe: la tolérance. Si jamais il est aussi efficace que contre Covid-19, ce sera très intéressant, mais ce ne pourra pas être au prix d’un syndrome grippal de deux ou trois jours.»

Sur l’éventualité d’un développement annuel plus rapide:

«Les souches pour les vaccins antigrippaux sont décidées par l’OMS, qui réunit un groupe d’experts en février pour l’hémisphère nord et en septembre pour l’hémisphère sud, après quoi les fabricants ont six mois pour fabriquer leurs produits. Si on décale un peu, en mars-avril par exemple, on pourrait sans doute capturer des souches un peu plus tardives. Mais il faudrait que l’OMS adapte son processus, et il est très important que le processus reste indépendant du fabricant.»

Le contexte. Moderna n’est pas le seul laboratoire à avoir un vaccin ARN contre la grippe dans les tuyaux, ce type de recherches ayant commencé bien avant la pandémie. Dans une revue publiée début 2018 dans la revue Vaccines, six sociétés de biotechnologies sont mentionnées comme ayant de tels produits en développement — parmi lesquelles BioNTech et CureVac.

Le succès des vaccins contre Covid-19 pave évidemment la voie à d’autres maladies infectieuses. Comme le précise Drew Weissman, un des pères incontestés des vaccins ARN, dans un article récent de Nature, la versatilité est au cœur de cette technologie. Le plus difficile consiste à trouver le bon antigène — ce dont on dispose déjà pour la grippe. Rien qu’à l’université de Pennsylvanie où il exerce, des recherches sont en cours sur une trentaine de maladies, dont l’hépatite C, le paludisme, ou encore le VIH.

link

A lire sur Ars Technica (EN)