Le contexte. L’équipe de recherche en épidémiologie de Christian Althaus, de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne, a mis à disposition jeudi 9 avril sur le site GitHub les résultats préliminaires de sa modélisation des effets des mesures prises dans le pays depuis le 17 mars.
Il s’agit d’une équipe reconnue, mais ces résultats sont préliminaires et non revus par les pairs. Mieux vaut donc les considérer, non comme des données scientifiques, mais comme une analyse pointue sur un sujet très actuel. Et cette analyse va dans le sens de ce que les experts s’accordent à dire ces derniers jours: la réponse sanitaire à l’épidémie porte ses fruits.
Un coup d’arrêt. Le 16 mars dernier, le Conseil fédéral a décidé, avec application dès le lendemain, de prendre la main sur la réponse sanitaire à l’épidémie, de fermer tous les commerces non essentiels, d’interdire les rassemblements de plus de cinq personnes, de contrôler drastiquement les frontières et d’appeler chacun à rester chez soi. Ces mesures de confinement et de distanciation sociale visent à casser la transmission du virus en supprimant les opportunités de contacts entre individus.
En s’appuyant sur un modèle épidémiologique éprouvé (un modèle SEIR modifié pour intégrer les personnes hospitalisées et en soins intensifs), les chercheurs de Berne ont évalué que ces mesures ont permis de réduire drastiquement le potentiel de transmission du virus:
avant le 17 mars, le nombre de reproduction effectif du virus (Re, qui correspond alors au nombre de reproduction de base R0 ) était de 2,73
au 7 avril (date de clôture de l’analyse), il était tombé à Re = 0,59, soit une réduction de 78%
Re représente le nombre moyen de personnes infectées par une personne malade. C’est un paramètre fondamental pour évaluer la force de la vague épidémique: la progression est exponentielle dès que Re dépasse clairement 1, elle atteint un plateau lorsque Re ≈ 1, et décline rapidement dès que Re est clairement inférieur à 1. Avec un Re à 0,59, le coup d’arrêt est net.
Le pic des hospitalisation. Le modèle de Christian Althaus et ses collègues indique aussi que le pic épidémique est passé en ce qui concerne la charge hospitalière, comme en témoigne la figure ci-dessous.
Nombre de patients Covid-19 hospitalisés (à gauche) et en soins intensifs (à droite) en Suisse. Les données réelles s’arrêtent au 7 avril (barre en tirets), la suite étant une projection. Les barres en pointillés correspondent au début des mesures de distanciation sociale (17 mars) et à leur fin putative (26 avril).| Althaus et al., DR
Le pic des décès. Concernant les décès dus à Covid-19, le modèle bernois prévoit que le pic était atteint au 7 avril (avec 754 décès rapportés par l’OFSP). Autrement dit, le nombre de décès quotidiens devrait désormais redescendre rapidement.
Nombre de patients Covid-19 décédés par jour (à gauche) et en cumulé (à droite) en Suisse. Les données réelles s’arrêtent au 7 avril (barre en tirets), la suite étant une projection. Les barres en pointillés correspondent au début des mesures de distanciation sociale (17 mars) et à leur fin putative (26 avril).| Althaus et al., DR
Si l’on parvient à maintenir le même rythme de décrue épidémique dans les semaines à venir, la mortalité totale de cette vague épidémique pourrait bien s’établir sous la barre des 2000 morts en Suisse. Il faudra ensuite parvenir à empêcher les rebonds, grâce à un déconfinement suffisamment progressif.