Le Nobel 2022 de médecine va à Svante Pääbo, découvreur de l'homme de Denisova

Svante Pääbo | Comité Nobel

Ils ont ramené la coupe à la maison. Depuis l’Institut Karolinska, à Stockholm, l’Académie royale des sciences de Suède a décerné ce lundi 3 octobre le prix Nobel 2022 de physiologie et de médecine au biologiste Svante Pääbo. Le chercheur suédois, lui même fils de Nobel (Sune Bergström, Nobel de médecine 1982), a joué un rôle clé dans le décryptage du génome des anciens hominidés et découvert, avec son équipe, l’homme de Denisova en 2010. Une Nobel très fondamental et dont les prolongements médicaux sont assez lointains.

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De Néandertal à Denisova. Grand nom de la paléogénétique, Svante Pääbo (67 ans) a développé les méthodes permettant d’analyser et reconstituer de l’ADN archaïque, dégradé par les outrages du temps. Ces travaux ont permis au biologiste suédois et à ses équipes de réaliser le premier séquençage partiel du génome de Néandertal en 1997 — c’était alors la première fois qu’on avait accès à une séquence d’ADN d’un ancien hominidé.

Nommé directeur de l’Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionnaire dans la foulée, il est à l’origine des travaux ayant permis de découvrir en 2010 un nouvel hominidé vieux de 40’000 ans, l’homme de Denisova, dont le génome a été séquencé à partir d’un fragment de phalange retrouvé, parmi d’autres restes osseux, dans une grotte en Sibérie.

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Néandertal, qui vivait à l’Ouest du continent eurasien, et Denisova, à l’Est, sont les deux espèces cousines d’Homo sapiens, dont ils ont été contemporains jusqu’à leur extinction il y a quelque 40’000 ans. On sait, notamment grâce aux travaux de Svante Pääbo, que notre espèce s’est hybridée avec ces deux hominidés, qui nous ont légué une petite part de leur génome.

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Source: comité Nobel 2022.

Comment ça se passe. La candidature au Nobel n’est jamais personnelle: ce sont des chercheurs ou des directeurs d’institutions qui proposent des noms au comité, lequel statue ensuite dans le plus grand secret. Traditionnellement, les récipiendaires ne sont prévenus qu’au dernier moment, quelques jours avant au maximum, et doivent garder le secret jusqu’au dévoilement du prix.

D’après le testament d’Alfred Nobel, le prix vise à récompenser «la découverte la plus importante dans le domaine de la physiologie ou de la médecine» ayant conféré «le plus grand bénéfice à l’humanité». Cela ne peut pas être juste une invention ou une amélioration, précise la biologiste américaine Juleen Zierath, membre du comité, dans un entretien récent.

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Selon l’usage, le prix peut aussi récompenser des travaux dont le prolongement clinique est connu — comme les découvreurs du virus de l’hépatite C en 2020 —, que des des découvertes de portée encore très fondamentale — en 2021, le prix avait été décerné aux découvreurs des récepteurs de la température et du toucher. Dans tous les cas, la récompense est perçue comme un honneur dans le champ entier.

Quelques statistiques. La distinction du Nobel existe depuis 1901, avec une interruption pendant les deux guerres mondiales. L’édition 2022 représente donc le 113e prix de médecine. Selon les années, de 1 à 3 lauréats se voient récompensés — ce qui crée invariablement des déceptions et des critiques, le travail scientifique étant très collectif par nature. A ce jour, 224 individus ont été récompensés, dont 12 femmes.