La base de l’expertise. Je me pose d’emblée la question de la solidité des expertises médicales présentées lors des procès en Suisse. Mes recherches me mènent à Genève, au Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Là, j’y rencontre le Pr Tony Fracasso, directeur adjoint du centre. Le médecin légiste voit passer tous les dossiers judiciaires de bébés secoués de Suisse romande, ainsi que tous les cas romands de maltraitance infantile débouchant sur une action en justice.
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Le faire parler. Les controverses qui ont émaillé certains procès depuis le début des années 2000 ont rendu les rares experts suisses du SBS peu diserts. Ils connaissent les controverses émaillant certaines procédures. Leur mutisme dans ces cas-là est aussi puissant que le déni de certains adultes ayant secoué un petit. Mais j’ai insisté. Je voulais vraiment savoir comment se construisait le diagnostic, quels signes cliniques sont pertinents, comment l’expertise médico-légale arrive à déterminer les causes d’un décès lorsque les signes de brutalités sont invisibles sur le corps…
L’exercice est d’autant plus difficile que les cas graves et mortels de SBS sont relativement rares en Suisse. Et si le Pr Tony Fracasso a finalement accepté de me recevoir, c’est que la recherche avance!
L’espoir. Même si ce n’est qu’à demi-mot, certains pédiatres et spécialistes de la maltraitance infantile reconnaissent que l’examen clinique et les symptômes du SBS (sang dans le cerveau, sang derrière les yeux, lésions dans le cerveau) peuvent prêter à controverses dans certains cas. Il faut donc que le monde médical puisse en avoir le cœur net!
Le CURML ne va évidemment pas secouer des bébés pour voir ce qui se passe, mais il va chercher les biomarqueurs sanguins correspondant au SBS. J’attends beaucoup de cette étude qui démarrent en collaboration avec les HUG, le CHUV et un hôpital lyonnais. Mais je vais devoir m’armer de patience: elle devrait durer quatre ans. D’ici là, je souhaite qu’il y ait le moins possible de bébés secoués!