Quels contours pour le futur carnet de vaccination numérique?
Le 20 septembre, le Conseil des Etats a tacitement accepté une motion de Marcel Dobler (PLR/SG) demandant la création d’un «certificat électronique de vaccination». Le seuil du Parlement passé, le Conseil fédéral a jusqu’à la fin de l’année 2022 pour «introduire les bases légales d’un carnet de vaccination électronique».
Concrètement, cela signifie que la Confédération n’est qu’au début des travaux de mise en place. Mais ce qui se dessine est la création d’un outil:
qui permette aux citoyens de conserver numériquement leurs informations de vaccination (produit, date et rappels éventuels)
qui permette aux citoyens de stocker ces données cryptées dans un lieu sûr, accessible en tout temps et partout
qui soit actualisé en permanence
qui permette de vérifier si les vaccins sont à jour en fonction des recommandations vaccinales les plus récentes.
Quels outils numériques sont privilégiés?
Le carnet de vaccination numérique sera, comme son nom l’indique, un outil informatique. Il faudra donc s’enregistrer en ligne, comme on le faisait sur feu mesvaccins.ch. La différence, c’est que l’infrastructure ne sera plus privée, mais aux mains de la Confédération:
Un site
une application pour smartphone
et une implantation dans le dossier électronique du patient sont prévus.
Ce sera la même application que pour le certificat Covid?
Le Conseil fédéral a très vite écarté cette éventualité:
«L'objectif du certificat Covid consistait à attester de manière infalsifiable une vaccination, un test ou une guérison, la loi interdisant explicitement la gestion centralisée des données.
En d'autres termes, les codes QR ne sont sauvegardés que dans l'application du détenteur (et éventuellement aussi sur papier). Ainsi, le certificat ne constitue pas un système permettant de conserver durablement ses données de manière électronique, car si la personne perd son téléphone portable, ses données sont alors perdues.»
De plus, le certificat Covid garantit une protection contre les falsifications grâce à une signature numérique. Cette fonctionnalité n’est pas nécessaire pour les autres vaccinations comme la grippe par exemple: il n’est pas nécessaire de prouver qu’on est vacciné contre le tétanos pour pouvoir accéder à certains lieux ou services.
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Enfin, le code QR du certificat Covid n’est pas conçu pour supporter un volume de données incluant tous les vaccins effectués au cours d’une vie. Et le certificat Covid est délivré par les cantons, donc basé sur différents systèmes. La Confédération veut aujourd’hui un système centralisé.
Pourquoi doit-il être compatible avec le dossier électronique du patient?
En adossant le futur carnet de vaccination au dossier électronique du patient (DEP), la Confédération s’assure que les usagers pourront stocker leurs données de santé au même endroit. Le DEP est conçu pour pouvoir intégrer les données de vaccination, comme le confirme eHealth Suisse, Centre de compétence et de coordination de la Confédération et des cantons pour le déploiement du DEP en Suisse:
«Le module de vaccination du DEP permet de saisir et de regrouper les informations relatives à la vaccination dans le DEP.»
Ce module est un des éléments du puzzle de données que les utilisateurs peuvent intégrer dans leur dossier. eHealth Suisse prépare d’ailleurs déjà des améliorations dans le système et «le carnet de vaccination électronique et d'autres normes DEP ont été testés du 12 au 16 septembre lors du Projectathon» qui s’est tenu à Montreux.
De son côté, le Conseil fédéral a annoncé au mois d’avril 2022 qu’il désirait reprendre la main dans ce dossier maintes fois reporté et au démarrage très lent. Pour l’exécutif, le DEP devrait devenir un instrument de l’assurance obligatoire des soins (une consultation à ce sujet est en cours). De quoi rendre à terme son usage obligatoire.
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Du côté de l’infrastructure du DEP, c’est le Parlement qui s’est montré insistant le 20 septembre:
«La complexité technique et organisationnelle devra être réduite. L'enregistrement des données des patients et l'échange d'informations entre les professions médicales devront se faire via une infrastructure centralisée. L'objectif est notamment de décourager une concurrence stérile entre les systèmes privés et publics.»
Cette centralisation implique que le pays doit également se doter d'un identificateur numérique univoque des patients. Ce numéro global servirait à tous les partenaires du système de santé dans leurs échanges.
C’est dans ce contexte global que s’inscrit la volonté de la Confédération de faire du carnet de vaccination numérique un outil centralisé et compatible avec le DEP.
Sera-t-il obligatoire?
Non. Il est prévu qu’il demeure facultatif. Mais son intégration dans le dossier électronique du patient devrait faciliter son usage dans un contexte médical ou avec les autorités (notamment pour voyager dans des pays exigeants certains vaccins).
Pourra-t-on éviter le fiasco de mesvaccins.ch avec ce nouvel outil?
«Compte tenu des expériences faites avec la plateforme mesvaccins.ch, la protection des données et la sécurité devront occuper une position centrale dans la mise en oeuvre de la nouvelle solution», relève Marcel Dobler.
Le fait que l’Etat reprenne la main, à la fois dans le dossier électronique du patient et le carnet de vaccination numérique, montre que les échecs du DEP et le fiasco de mesvaccins.ch ont laissé des traces. L’OFSP est en train de se doter d’une stratégie numérique consistante et la mise en place d’outils numériques performants et sûrs sera une priorité.
Puis-je récupérer mes données stockées sur mesvaccins.ch?
Certainement refroidis par la faillite de la fondation mesvaccins.ch, de nombreux usagers seront méfiants à retenter l’aventure numérique pour enregistrer leurs infos de vaccinations. Et le certificat Covid est encore très présent dans les mémoires…
Du coup, si les utilisateurs de l’ancienne plateforme pouvaient récupérer leurs données, cela pourrait favoriser le déploiement de la future plateforme de la Confédération. Le dossier est toujours en cours: Pour tenter de sauver les données concernant quelque 300’000 personnes, une convention publique a été signée en juin entre le canton d’Argovie et l’OFSP, avec l’accord du préposé fédéral la protection des données et de l’Office des faillites de Berne-Mittelland.