abo «LancetGate» et chloroquine: «La perversion de la pharma existe mais elle ne va pas jusque-là»
Le Dr Hervé Maisonneuve est une figure originale de l’édition scientifique. Conseiller en édition médicale, auteur du blog Rédaction médicale et scientifique, passé à la fois par l’industrie pharmaceutique et le monde de la recherche publique, défenseur acharné de l’intégrité scientifique, il est un fin connaisseur des rouages de cet univers souvent opaque pour le grand public. Il a accepté de nous livrer sa vision du «LancetGate», et des failles que cette affaire révèle dans la production du savoir biomédical. «J’ai 70 ans et je suis hors université ce qui me permet de dire des choses», nous confie-t-il en début d’entretien. Dont acte.
Rappel des faits. Le 22 mai, une vaste étude observationnelle, réalisée par des chercheurs américains et publiée dans le prestigieux Lancet, alerte sur l’association entre l’hydroxychloroquine et une surmortalité chez les patients Covid-19 traités à l’hôpital. Le retentissement est majeur, et beaucoup d’essais cliniques dans le monde s’interrompent le temps de vérifier l’absence de toxicité. Mais des critiques se font vite entendre sur la fiabilité des données patients analysées, issues de 671 hôpitaux dans le monde et récoltées par une startup américaine.
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Sous l’impulsion de Didier Raoult, l’affaire est surnommée, à tort ou à raison, «LancetGate». Le 5 juin, devant l’impossibilité d’accéder aux données complètes, trois des auteurs demandent la rétractation de l’article. Les enquêtes sur le quatrième auteur, entrepreneur à l’origine de la récolte des données, font état de pratiques douteuses.