Le comité d’experts externes (Human Medicines Expert Committee, dont les membres sont publics) a été convoqué vendredi 18 décembre par SwissMedic et a recommandé l’autorisation du vaccin de Pfizer-BioNtech, dont l’évaluation a commencé mi-octobre. Cet avis a été suivi par l’agence, qui a décidé de délivrer une autorisation de mise sur le marché pour les personnes âgées de 16 ans et plus.
Les documents afférents n’ont pas encore été mis à disposition mais ils devraient l’être bientôt. C’est la première autorisation de mise sur le marché (AMM) «classique» délivrée à un vaccin Covid-19, les autres pays ayant procédé par procédure d’urgence – ce qui ne change pas grand-chose en pratique.
De quel vaccin s’agit-il, déjà?
Il s’agit de BNT162b2, le vaccin à ARN messager conçu par la société allemande de biotechnologie BioNTech et développé par le laboratoire américain Pfizer. Son nom commercial est Comirnaty, en référence à la technologie employée (ARN messager, «mRNA» en anglais).
Est-ce une surprise?
Sur le fond, pas du tout. Considéré comme le gagnant de la course aux vaccins, le vaccin de Pfizer-BioNTech a déjà été homologué au Royaume-Uni (2 décembre), au Canada (9 décembre) et aux Etats-Unis (11 décembre). Le feu vert de l’agence européenne du médicament est imminent, il est attendu le 22 ou 23 décembre. Personne n’imagine que SwissMedic aurait pu refuser d’autoriser ce vaccin.
En revanche, la rapidité de la décision est une vraie surprise. SwissMedic n’a pas coutume de communiquer sur ses délais, mais on attendait plutôt une AMM suisse fin décembre ou tout début janvier. Que SwissMedic délivre son autorisation avant même son homologue européen est contraire aux habitudes et signe un effort majeur de réactivité de l’agence.
Est-ce que ça va bousculer le calendrier?
Oui. En conférence de presse ce jour à Berne, les autorités fédérales s’avouent surprises que l’homologation arrive aussi tôt. Les cantons surtout sont un peu pris de cours, ayant misé sur les premières arrivées d’abord au premier trimestre, puis au plus tôt en janvier.
Alain Berset et Anne Lévy, directrice de l’OFSP, annoncent néanmoins les toutes premières vaccinations dans les jours qui viennent, en décembre. On ignore encore quels seront les cantons concernés, l’organisation sur le terrain ayant semble-t-il un peu de mal à suivre.
Les recommandations de l’OFSP et de la Commission fédérale pour les vaccinations (CFV) viendront préciser dans les jours qui viennent qui sera concerné en premier lieu, sur les deux millions de personnes qui constituent le premier groupe-cible prioritaire (plus de 65 ans, personnes vulnérables) de la stratégie nationale de vaccination.
Cent mille doses (107’000 exactement) du vaccin Comirnaty, c’est-à-dire de quoi vacciner 50’000 personnes, doivent être livrées d’ici quelques jours à l’armée, qui gère la logistique et le transport jusqu’aux cantons. Après quoi les doses devraient parvenir un rythme de 250’000 par mois, dès janvier — sous réserve d’une confirmation du fabricant.
Quel est le principe du vaccin?
Pour susciter une réaction immunitaire, on utilise non le virus mais son principal antigène: la protéine Spike, qui lui permet de pénétrer dans les cellules. Mais au lieu de délivrer la protéine, on injecte la séquence d’ARN messager qui permet de piloter sa synthèse au sein de la cellule humaine. C’est une technique vaccinale innovante et considérée comme très prometteuse. Jusqu’ici, les thérapeutiques reposant sur l’ARN messager étaient surtout à l’étude en oncologie, mais se trouvaient confrontées à la difficulté de stabiliser l’ARN, facilement dégradable.
Comment se passe la vaccination?
De façon très classique: une première injection dans le muscle de l’épaule, suivie d’une seconde trois semaines plus tard environ. En l’état des connaissances, les deux injections sont nécessaires pour disposer d’un niveau de protection suffisant.
Quelles sont les données sur le vaccin?
Ce n’était pas le cas il y a encore deux-trois semaines, mais on dispose désormais de pléthores de données sur le vaccin de Pfizer:
l’article scientifique décrivant les résultats de phase 3, publié le 10 décembre dans le New England Journal of Medicine
le document produit par la FDA sur la base des données fournies par Pfizer et BioNTech, à destination du comité consultatif chargé de se prononcer sur son homologation
les notices d’utilisation destinées aux professionnels de santé publiées par les différentes agences règlementaires, comme la MHRA britannique.
Pour l’essentiel, ces données permettre de connaître la composition précise du vaccin, ses résultats d’efficacité et sa tolérance chez les volontaires ayant déjà reçu des injections (environ 20'000 adultes). On dispose d’environ trois mois de suivi en matière d’effet indésirable — un recul jugé suffisant par les experts de la FDA, la plupart des effets auto-immuns rares liés aux vaccins se déclarant dans les deux-trois mois suivant l’injection. Les plus passionnés peuvent suivre les heures de réunion du comité consultatif de la FDA sur le sujet.
Quelle est son efficacité?
Les résultats sur des volontaires sains de plus de 16 ans montrent que le vaccin permet de prévenir autour de 95% des infections symptomatiques à Covid-19. C’est un résultat extrêmement élevé pour un vaccin contre une infection respiratoire, qui offre l’espoir d’alléger rapidement le fardeau de la maladie et de parvenir à contrôler l’épidémie en quelques mois.
On ignore encore à quel point cette efficacité se transpose sur d’autres groupes (typiquement, les personnes âgées), combien de mois ou d’années elle se maintient et si elle permet d’empêcher efficacement la dissémination du virus. Il reste aussi à confirmer que le vaccin permet bien de limiter la survenue de formes graves de la maladie, mais c’est extrêmement plausible — c’est le cas pour tous les vaccins connus.
Quels sont les effets indésirables?
C’est un vaccin globalement très bien toléré, sans quoi il n’aurait pas été homologué. On dispose du recul nécessaire pour identifier les effets indésirables graves avec une fréquence jusqu’à 1 sur 10'000, et aucune alerte sérieuse n’a été relevée. La FDA recommande de suivre la survenue de paralysies de Bell (une paralysie faciale qui dure plusieurs mois), certains cas ayant été relevés à une fréquence très faible (4 cas sur 18'000) qui ne permet pas de savoir s’ils sont liés ou non au vaccin.
Le principal point de vigilance en matière de sécurité concerne le risque, rarissime mais attesté sur une poignée de personnes, de réaction allergique sévère, de type choc anaphylactique. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, le vaccin est pour l’heure déconseillé aux personnes avec des antécédents allergiques sévères liés aux vaccins (ou seulement aux composants de Comirnaty, outre-Atlantique), et la pharmacovigilance sera utile pour préciser ce point. Ces réactions sont aisées à repérer et prendre en charge (piqûre d’adrénaline) puisqu’elles se produisent dans les minutes suivant l’injection.
Par rapport à d’autres vaccins comme ceux contre la grippe, le vaccin de Pfizer-BioNTech (comme du reste son homologue de Moderna) tend à susciter des réactions inflammatoires fréquentes, comme de la fièvre, un mal de tête ou des douleurs au bras. Il s’agit d’effets parfois pénibles mais sans aucun danger dans l’immense majorité des cas, qui durent de l’ordre d’un ou deux jours et sont dus au «réveil» du système immunitaire.