La baisse historique des primes d'assurance-maladie 2022 n'est pas suffisante

Source: OFSP

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C’est une bonne nouvelle! Les primes d’assurance-maladie 2022 vont baisser de 0,2% au niveau national. Une évolution que l’on peut même qualifier d’historique: depuis l’introduction de LAMal en 1997, ce n’est que la deuxième fois qu’une baisse de primes est annoncée, la dernière datant de 2008. Tous les cantons romands sont concernés par cette diminution de charge. La prime moyenne mensuelle s’élèvera à 315 fr. 30. A noter que la baisse sera plus importante pour les jeunes adultes (19-25 ans), avec -1%, que pour les adultes (dès 26 ans), avec -0,3%.

Pourquoi il faut faire mieux. Cette baisse ponctuelle s’inscrit dans une évolution d’augmentation moyenne de 2,4% ces dix dernières années. Au passage, les réserves des assurances-maladie ont gonflé. Selon l’OFSP, elles «dépassent encore les 12,4 milliards de francs». Un sujet qui est devenu explosif: le magot est convoité de toutes parts. L’OFSP a donc approuvé une réduction de 380 millions de francs des réserves. Un montant qui représente une paille dans l’océan des milliards de réserves accumulées. Des efforts doivent donc encore être faits pour restituer leurs dus aux assurés.

Le détail par canton. Au niveau suisse, la baisse est de 0,2%. Une situation qui se confirme dans tous les cantons romands:

  • NE -0,1%

  • VD -0,1%

  • BE -0,2%

  • FR -0,2%

  • JU -0,2%

  • FR -0,2%

  • VS -0,8%

  • GE -1,5%

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De l’autre côté de l’échiquier, les cantons d’Obwald et de Glaris connaîtront une hausse de, respectivement, 1,4% et 1,1%.

Détail par classes d’âge. Les primes vont diminuer dans les trois classes d’âge:

  • Jeunes adultes (19-25 ans): -1%, avec une prime mensuelle moyenne de 263 fr. 80

  • Adultes (dès 26 ans): -0,3 avec un prime mensuelle moyenne de 373 fr. 80

  • Enfants -0,3% avec une prime mensuelle moyenne de 99 fr. 60

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Calculer ses primes 2022. Ces moyennes ne disent encore rien des montants qui seront réellement dus dès le mois de janvier 2022. Le calculateur de primes www.priminfo.ch permet d’avoir le détail individuel. L’OFSP y recense toutes les assurances-maladies du pays. Pour connaître son sort, il suffit d’y indiquer son domicile, son âge, son modèle d’assurance, sa franchise et son assurance-maladie.

Diminution des réserves. Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) est satisfait de cette évolution due à «l’efficacité de la révision de l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal)», intervenue en juin 2021. Elle permet à la cinquantaine d’assurances-maladie du pays de réduire plus facilement leurs réserves. Une ordonnance qui pousse également les assureurs à calculer leurs primes en évitant de constituer des réserves excessives.

En pratique, cela signifie que la baisse de 0,2% est le fruit d’un calcul pour 2022 plus juste et au plus près des coûts de la santé évalués pour l’année prochaine. Un calcul qui tient également compte des revenus en capitaux des assureurs. Ce mécanisme est d’autant plus intéressant que les coûts de la santé ont en fait augmenté d’environ 3% en 2020.

Les assurances redistribueront ainsi 380 millions à leurs assurés, contre 28 millions en 2021. Les assurances ont deux mécanismes à disposition pour rendre les montants encaissés en trop:

  • un rabais sur les primes 2022,

  • un remboursement direct aux assurés.

Reste que ces efforts auraient pu être plus importants encore. Pour une simple raison: au cours des dernières années, les réserves ont augmenté de manière disproportionnée, comme le montre le graphe ci-dessous:

En remboursant 380 millions sur plus de 12,4 milliards de réserves accumulées, il reste toujours plus de 12 milliards de réserves. Le Conseil fédéral est conscient de la problématique et est d’avis

«qu’il est possible et nécessaire de poursuivre les réductions des réserves ces prochaines années sans nuire à la solvabilité des assurances.»

C’est que le seuil minimal légal de réserves est de 6 milliards. Il reste donc 6 milliards qui doivent être restitués aux assurés. Alors pourquoi ne pas l’avoir fait cette année? Alain Berset, conseiller fédéral en charge de la santé:

«C’est vrai qu’avec 12 milliards, les réserves sont trop élevées. La réduction volontaire de réserves représente un premier pas, mais elle doit se reconduire ces prochaines années tout en conservant à l’esprit que les primes doivent couvrir les coûts. Et sur ce plan-là, il n’est pas possible de faire des pronostics pour les prochaines années. Il faut donc y aller avec prudence sans qu’on en vienne à déstabiliser le système.»

Thomas Christen, responsable de l’unité de direction Assurance maladie et accidents et directeur suppléant de l’OFSP, estime que le mécanisme de cette année pourra être reconduit à l’avenir:

«Oui, les réserves peuvent être réduites. Les deux possibilités offertes aux assureurs pour rembourser leurs assurés seront certainement utilisés en 2023 et aussi après. Mais nous ne savons pas encore à quel niveau.»

Avec les bons rendements des capitaux des assurances-maladie et l’excédent des réserves, les autorités sanitaires préfèrent utiliser ce mécanisme permettant de faire baisser les primes sur le long terme plutôt que de griller cette cartouche une seule fois. Cela devrait permettre de «lisser» les primes ces prochaines années, comme le confirme Alain Berset.

Et la pandémie? La réduction accordée pour 2022 étant le fruit d’un rattrapage des réserves et d’un nouveau calcul du montant des primes, qu’en est-il de l’épidémie de Covid? Quel effet a-t-elle eu sur les coûts de la santé?

A ce stade, on est toujours confronté à une boîte noire. L’OFSP n’arrive toujours pas à fournir le détail de «l’impact de la pandémie sur les coûts de la santé, et par conséquent sur les primes. Les données actuellement disponibles sont encore insuffisantes pour tirer des conclusions fiables. Le Conseil fédéral a prévu de publier un rapport sur le sujet à la fin 2022».

Les réactions. Du côté des faîtières des assurances, l’annonce du jour est accueillie avec pragmatisme.

Adrien Kay, responsable communication chez curafutura:

«Je salue cette évolution qui confirme la stabilisation observée des trois dernières années. Mais pour que cette évolution des primes modérée se poursuive, des réformes urgentes sont nécessaires pour améliorer le système de santé, telles que l’entrée en vigueur du nouveau tarif médical Tardoc et du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS), qui porte à lui seul un potentiel d’économies de un milliard de francs par année.»

Christoph Kaempf, porte-parole chez santésuisse:

«Cette évolution positive doit maintenant être assurée sur le long terme. Compte tenu de la forte croissance des coûts (4%) au premier semestre 2021, de véritables mesures d'économie s'imposent enfin pour que les primes restent abordables à l'avenir.

Pour de nombreuses personnes, la crise Covid signifie également une lourde charge financière. Il est donc d'autant plus important pour eux que la crise sanitaire ne soit pas suivie d'une crise des primes.

En conséquence, santésuisse se réjouit que le Conseil fédéral ait approuvé les propositions des assureurs-maladie en faveur d'une réduction modérée des primes. Comme mesure supplémentaire, plusieurs assureurs-maladie libèrent une partie de leurs réserves et remboursent aux assurés des contributions s'élevant à plusieurs centaines de millions de francs suisses.»

Du côté de la Fédération romande des consommateurs (FRC), on constate que la baisse annoncée est plus symbolique qu’historique:

«la tendance est plutôt à la stabilité. Ceci signifie que les primes continuent à peser sur le budget des ménages comme elles le font depuis deux décennies. Les rétrocessions d’une petite portion des réserves excédentaires n’amènent, elles aussi, qu’un soulagement relatif à la vue des réserves excédentaires qui dorment dans les comptes des caisses.

La santé est certainement le domaine qui, au Parlement, génère le plus de dépôts de propositions. En dépit de cette agitation, le système n’a nullement été réformé pour alléger le fardeau des assurés. Les quatre dernières années de relative stabilité s’expliquent plus par des circonstances particulières que par des réformes en profondeur. On peut observer que la stabilité de 2022 est due en grande partie aux réserves excédentaires qui, elles-mêmes, résultent d’un facteur conjoncturel, à savoir leur placement en Bourse.

Si, dans le futur, ces réserves venaient à fondre pour les mêmes raisons, et si les coûts repartaient fortement à la hausse, il est fort probable que ces années d’accalmie apparaissent comme autant d’occasions manquées.»

Plus critique encore, Philippe Eggimann, président de la Société médicale de la Suisse romande (SMSR) et de la Société vaudoise de médecine (SVM), s’insurge:

«Le compte n’y est pas. Les 380 millions représentent 8-9% des primes perçues en trop chaque année depuis trois ans. Cette baisse de 0.2% prouve une fois de plus le faillite du système alors que les assureurs annonçaient une hausse de plus de 1% il y a quelques jours à peine.»