Je fais la fine bouche? Attendez la suite. Un avant-goût de liberté, ce n’est pas la liberté. Elle nous est proposée sous conditions: masque à l’intérieur, respect des distances, tests PCR pour passer la frontière et jauge pour les manifestations sans certificat Covid. Un certificat qui n’est pas la liberté non plus, c’est un outil de surveillance. Qu’il soit une condition sine qua non à tout voyage à l’étranger est compréhensible. Qu’il devienne obligatoire en Suisse pour accéder à une discothèque, par exemple, l’est moins. Il octroie un privilège. La liberté ne peut pas être un privilège.
Le gouvernement l’assure: son usage domestique est temporaire. Le certificat s'auto-détruira fin 2022, promis! Eh bien je n’y crois pas. Cet outil de gestion de crise sanitaire a tout pour devenir un outil de gestion de la vie quotidienne. Trois signaux ont déjà été émis pour rendre ce sésame permanent:
Alain Berset l’a dit lors d’une conférence de presse: le certificat Covid permettra de ne pas devoir fermer les restaurants cet automne si une résurgence de l’épidémie devait se produire. Le document de réflexion fédérale «Modèle des trois phases» du 12 mai évoque d’ailleurs cela: «Restreindre l'accès aux installations/manifestations aux personnes vaccinées, guéries ou testées négatives (...) ne constitue qu'une solution transitoire qui devrait, par conséquent, être limitée à une courte période. (...) Les limitations d'accès ne seront maintenues que si cette mesure est nécessaire pour préserver les capacités du système de santé». En clair, le certificat Covid continuera à être utilisé en cas de flambée épidémique.
Le groupe parlementaire PLR a déposé la motion suivante le 8 juin: «Exploiter le potentiel du carnet de vaccination aussi après la pandémie». Le but est de transformer le certificat Covid en certificat de vaccination électronique général pour remplacer la plateforme en ligne mesvaccins.ch
Indépendamment de l'évolution de l'épidémie, il est désormais certain qu’un certificat et le masque resteront longtemps obligatoires pour monter dans un avion.
C’est tout le paradoxe de la situation actuelle. On savoure la perspective des festivals de l’été en se ruant sur le certificat Covid comme des affamés! 2,5 millions de Suisses ont déjà fièrement franchi le cap depuis le 7 juin. Perçu comme un ticket pour la liberté, son introduction oblitère ses failles, ses risques de dérive et son inutilité à nous protéger d'un variant.
En misant essentiellement sur la vaccination et le certificat Covid, les autorités bercent un peu la population d’une illusion. L’immunité collective est loin d’être atteinte. Le variant Delta est là, en embuscade. On le voit en Israël, champion de la vaccination, qui a réintroduit hier l’obligation du port du masque à l’intérieur. Et si cela arrivait en Suisse? Ce n’est pas le certificat Covid qui nous protègera du Delta et d’un rebond épidémique. Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à Genève, me le disait hier: «dans le contexte actuel de diffusion rapide et inquiétante du variant Delta, on doit attendre des autorités qu’elles reprennent la main avec efficacité. On a un peu l’impression que l’Europe se prépare à un bis repetita de l’été dernier».
Et du coup, je me pose cette question: restreindre nos libertés aujourd'hui, d’accord, mais pour protéger qui? Ces derniers mois, nous avons protégé les personnes à risque, nos aînés et le système de santé. Aujourd’hui, avec les limitations sanitaires restantes et le certificat Covid, qui protégeons-nous? Celles et ceux qui ne veulent pas se faire vacciner? Dont une partie pense que le Covid est un vaste complot pour restreindre nos libertés? Il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire.