1. Ce qu’il reste à faire pour les communautés LGBTIQ+
«Actuellement, les communautés sont très visibilisées dans les médias. Mais à quoi mène cette exposition si elle ne se traduit pas en actions concrètes? Pour l’instant, la médiatisation des besoins, notamment d’équité, des communautés LGBTIQ+ n’a pas de véritables retombées dans l’arène politique. Si les personnes lesbiennes et gaies y évoluent, on y voit beaucoup moins de personnes queer, trans et/ou ayant d’autres marqueurs d’identités marginalisées par exemple. Il reste donc encore beaucoup à faire, d’autant plus lorsqu’on entend aujourd’hui encore les propos transphobes d’un conseiller fédéral sortant.
Être visible expose les personnes de ces communautés aux injures, aux insultes et aux discriminations. Une protection juridique plus spécifique est nécessaire et la Confédération doit se prononcer clairement sur ces questions. En 2020, l’article 261 bis du code pénal suisse a été modifié. Cependant, le maniement de ce levier juridique, pour certaines personnes violentées, n’est de loin pas facilité. Lorsque je me fais harceler dans la rue, c’est lié à mon expression de genre. Une personne homosexuelle plus normée sera moins ou pas du tout agressée dans l’espace public. Le dépôt de plainte pour harcèlement ou cyber harcèlement n’est donc pas équitable pour les personnes à l’expression de genre sortant de la norme.
J’espère aussi voir la création d’un poste de préposé fédéral aux questions LGBTIQ+ pour faire avancer ces thématiques. Notamment pour l’introduction d’un genre neutre sur les documents d’identité. C’est d’autant plus important que le score de la Suisse en termes de respect des droits humains fondamentaux des personnes LGBTIQ+ est de 47% et le pays se classe à la 19e place des 49 pays européens analysés par Rainbow Europe.»
2. Comment en finir avec les discriminations
«Les discriminations sont présentes dans l’espace public comme privé. Et cela pour tous les types de trajectoires LGBTIQ+. C’est très rare aujourd’hui, même pour les personnes non-hétérosexuelles cisgenres, de ne pas subir et souffrir de discriminations.
Le changement passe par l’éducation, le vivre ensemble et la formation, en entreprise, dans le monde médical, pour les parents, pour la police. Tous les milieux où gravitent des personnes LGBTIQ+ doivent être sensibilisés et formés à ces questions. En fait, c’est un enjeu sociétal profond: nous faisons partie de la société, et nous n’allons pas disparaître.
Il est parfois difficile de faire comprendre ce que je subis en termes de transphobie, d’homophobie et même de misogynie… Mais le fait d’avoir fait des études genre, le fait d’avoir intellectualisé toutes ces questions, d’en avoir fait de l’activisme et d’être élu politique, me permettent de me légitimer, dans mes actions, mon identité, et mon existence.
C’est une position politique aussi. Je ne peux pas m’affranchir de mon identité non-normative, alors j’ai décidé d’en faire un atout pour éviter qu’on m’y réduise, ou qu’on veuille l’utiliser contre moi. Si je suis seul à vivre ces questions dans le monde politique, je ne suis pas seul en termes d’activisme et de revendications. Surtout que tout le monde peut se questionner sur son identité de genre et s’ouvrir à ces réflexions.»
3. Comment favoriser l’affirmation de soi et l’autodétermination
«Des modèles d’identification sont nécessaires selon le principe “Je ne peux pas être ce que je ne vois pas”. Et il en faut plusieurs qui incarnent des trajectoires différentes. Cela donne de l’espoir et module positivement le levier social de représentation. Favoriser l’affirmation de soi des membres des communautés LGBTIQ+, c’est aussi avoir des élus qui nous ressemblent et qui sont concernés. Une meilleure représentation politique des membres de nos communautés permettrait de porter plus facilement nos thèmes là où les inflexions législatives sont possibles. Tout ceci passe aussi par l’écoute active, et profonde, et par le partage d’un sentiment d’humanité commune.»
4. Des clefs pour comprendre les besoins des communautés LGBTIQ+
«Le premier pas consiste à connaître sa propre place, se situer soi-même. En ayant conscience de soi, on peut plus facilement aller vers les autres. Je trouve que les hommes se définissent beaucoup pour ce qu’ils ne sont pas, mais pas pour ce qu’ils sont. Ils y gagneraient beaucoup à effectuer cette démarche. Connaître sa place, son expression de genre, sa binarité ou non binarité, permet de plus facilement prendre sa place ou de la laisser. Savoir qui on est permet également de prendre conscience des privilèges dont bénéficient les hétérosexuels cisgenres, notamment.
Pour moi, avoir des privilèges n’est pas un problème, tout dépend ce qu’on en fait. Ce qu’il faut comprendre aujourd’hui est que nous n’essayons en aucun cas de priver quiconque de son identité vécue et ressentie, mais d'accueillir celles des autres. Une image me vient en tête: celle prônée par l’avocate Gisèle Halimi. Quand elle évoque ses combats politiques, elle parle beaucoup d’affluents et de confluents. L’affluent qui arrive dans le fleuve continue à être lui-même, même s’il change de nom. Ouvrir la norme à d’autres identités et trajectoires de vies n’est pas une menace pour la société. Cela n’invisibilise pas les gens dont on parle habituellement, mais cela permet de rendre visibles d’autres personnes. D’apprendre à faire société ensemble, tout simplement.»
5. Ce qui ne doit plus exister au 21e siècle
«Les thérapies de conversions, les mutilations génitales sur les personnes intersexes et toutes formes de violences publiques envers les personnes des communautés LGBTIQ+. Faire tomber les barrières dressées contre l’intégrité morale et physique, en réfléchissant à un système de santé plus égalitaire, global et intégratif. Revoir le droit pénal sexuel afin qu’il considère toutes les victimes de viols et d’abus sexuels, et pas seulement les femmes.
A titre personnel, le climat international m’effraie. Nous vivons un retour des mouvements d’extrême droite ultra conservateurs qui légitiment la violence sur les communautés minorisées. Il est donc essentiel, aujourd’hui, de continuer de se battre pour une plus grande reconnaissance et intégration, et de ne pas baisser les bras.»