Faut-il ouvrir les EMS au suicide assisté? En Valais, le débat fait rage
En Valais, une loi veut contraindre les EMS à accepter le suicide assisté en leur sein, comme c’est déjà le cas à Genève, Vaud et Neuchâtel. Le peuple tranchera le 27 novembre.
Mourir en EMS, oui, mais comment? Le 27 novembre 2022, le Valais votera sur une loi qui garantit l’accès aux soins palliatifs et au suicide assisté dans les institutions sanitaires et sociales. Aujourd’hui, environ la moitié des EMS du canton interdit le suicide assisté, bien que ce droit soit reconnu par le Tribunal fédéral. La loi vise une égalité de traitement entre les résidents, alors que ses détracteurs y voient un texte «coercitif et autoritaire».
Pourquoi ça questionne. Exit, principale association à proposer le suicide assisté en Suisse, intervient à domicile. Mais lorsque le domicile est l’EMS, le droit à l’autodétermination du résident se frotte parfois à un refus des directions et des équipes, dans un milieu très marqué par l’héritage religieux et les valeurs traditionnelles du soin. Les opposants à la loi valaisanne redoutent aussi, si la loi passe, un effet boule de neige, une «épidémie» de suicides assistés — une hypothèse invalidée par l’expérience acquise dans d’autres cantons romands.
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«J’ai appelé la police.» «Depuis toujours, il y a une réticence particulièrement forte dans les homes valaisans», note Gabriela Jaunin, co-présidente d’Exit Suisse romande et accompagnatrice bénévole depuis dix-huit ans.
L’année dernière, sept résidents ont sollicité Exit pour un accompagnement dans le canton montagnard. Pour deux d’entre eux, il n’a pas été possible d’aller jusqu’au bout au sein de l’institution. A défaut d’avoir conservé une autre résidence, le résident se retrouve alors face à un choix: renoncer ou trouver un proche chez qui mourir. «C’est terrible comme demande», regrette Gabriela Jaunin qui n’hésite pas à parler de «traitement inhumain». Dans ces conditions, certains résidents préfèrent même renoncer, malgré des souffrances intolérables.
Dans ce canton catholique et conservateur, le suicide assisté a mauvaise presse, au point que les homes tentent parfois de dissuader les accompagnateurs d'Exit de venir rendre visite à leurs membres. Il y a une petite dizaine d’années, Gabriela Jaunin a dû se résoudre à appeler la police, se remémore-t-elle:
«Ce jour-là, j’ai annoncé ma venue par téléphone à un EMS, à Sierre — notre association s’annonce toujours. On m’a interdit de mettre les pieds dans l’institution. J’ai menacé d’appeler la police et m’y suis rendue quand même, sans trop de problème.
La deuxième fois, comme j’ai eu droit au même discours, j’ai appelé la police qui m’a confirmé que je n’étais absolument pas en tort. Finalement, j’ai réussi à faire sortir cette dame de son EMS pour qu’elle puisse mettre fin à ses jours, grâce à son neveu qui l’a accueillie. C’était assez dramatique pour cette dame, en grande souffrance, de devoir le faire dans ces conditions.»
Gabriela Jaunin a ensuite appelé l’EMS pour l’informer de la façon dont s’était déroulé le décès. La démarche a semblé apaiser les relations avec l’établissement, surpris et reconnaissant d’être tenu informé, poursuit-elle:
«Ils avaient des préjugés et des croyances sur notre façon de travailler et, peut-être, de banaliser la mort. En fait, ils ne connaissaient absolument pas notre fonctionnement. Cette histoire montre bien la méconnaissance et de la tension qu’il existe, particulièrement en Haut-Valais.»