Et si Genève devenait le centre mondial de la gouvernance numérique?
Tout au long de l’année, le think tank de politique étrangère foraus et Sensor Advice, entreprise de conseil zurichoise spécialisée dans l’analyse du discours, ont mené des ateliers participatifs sur l’utilisation des données de santé et des technologies numériques avec des citoyens et des acteurs clés de la santé en Suisse. Leur nouvelle étude «Health Data Governance: What’s in it for Switzerland?», qui sera présentée mercredi 16 décembre, formule douze recommandations en vue d’une meilleure gouvernance des données de santé. Heidi.news, qui en relatait déjà les premières esquisses cet été, a invité ses auteurs à partager le résultat de ces travaux en primeur.
Les technologies numériques promettent de transformer profondément le domaine de la santé, tant en Suisse que dans le reste du monde. Elles ont le potentiel d’améliorer l’accès aux services de santé et de les rendre plus efficaces. On mesure bien l’importance d’une meilleure utilisation des données de santé pour mener des politiques sanitaires ciblées lors d’une crise sanitaire mondiale telle que celle occasionnée par la Covid-19. Dans ce processus de transformation, les données de santé ont un rôle central. Mais le caractère hautement sensible de ces dernières engendre des défis et des risques qui appellent à une gouvernance au niveau global.
Douze recommandations d’action pour une meilleure gouvernance des données de santé. En 2020, nous avons organisé des discussions prenant la forme de divers formats participatifs − (PoliTisch et Policy Kitchen) sur la thématique de l’utilisation des données de santé et des technologies numériques avec des citoyen-ne-s et des acteurs clés du domaine de la santé en Suisse. Sur la base des résultats obtenus, nous avons formulé douze recommandations d’actions pour une meilleure gouvernance des données de santé. En voici un extrait:
La thématique de la gouvernance est complexe et ne s’arrête pas à la réglementation en matière de protection des données. Elle comporte de nombreuses dimensions. Nous en avons identifié cinq: politique, sociétale, éthico-juridique, financière et technique. Nous nous focaliserons ici sur le potentiel rôle de la Genève internationale comme futur centre de gouvernance globale des données de santé et sur la nécessité d’une participation citoyenne en la matière.
La Genève internationale comme centre de gouvernance numérique globale. Nos discussions ont montré que la Genève internationale a le potentiel pour devenir le centre de la gouvernance globale en matière de données de santé. Notamment grâce au grand nombre d’acteur-rice-s actif-ve-s autour des questions de santé globale et des technologies numériques déjà établi à Genève. La Confédération a d’ailleurs reconnu ce potentiel et identifié le développement de la gouvernance numérique à Genève comme pilier stratégique dans sa Stratégie de politique extérieure numérique 2021-2024 publiée en novembre dernier. L’initiative International Digital Health & AI Research Collaborative (I-DAIR), récemment lancée à Genève et visant à servir de plateforme pour la collaboration internationale dans la recherche sur la santé numérique est un excellent exemple d’initiatives à soutenir pour positionner Genève comme pôle mondial de gouvernance des données de santé.
Dans cette optique, la Suisse devrait ainsi également participer à l’élaboration d’un cadre juridique pour l’utilisation des données de santé. D’autant plus que l’idée d’un traité international négocié dans le cadre de l’OMS (International Health Data Regulation) est en train de faire son chemin à Genève. Les participant-e-s à nos ateliers de discussion ont exprimé le souhait que la Suisse apporte son soutien à cette démarche.
Dans un contexte d’innovations technologiques ininterrompues, l’enjeu est de taille pour la Suisse. La manière dont nous encadrerons notre utilisation des données de santé à l’avenir déterminera aussi notre rapport à notre santé et au numérique au sens large. La Suisse et Genève peuvent et doivent jouer un rôle majeur à ce sujet.
Un écosystème de données de santé centré sur les citoyen-ne-s. La Covid-19 a montré au grand public le rôle capital que peuvent jouer des données de santé accessibles et qualitatives pour améliorer la santé publique et potentiellement sauver des vies. Néanmoins, elle a aussi dévoilé le scepticisme d’une certaine partie de la population quant à l’utilisation des données personnelles de santé.
Pour contrer ce scepticisme, il faut promouvoir la compétence numérique et en matière de santé (health data literacy) et inclure la population dans les discussions autour de la gouvernance des données de santé. Les citoyen-ne-s devraient pouvoir utiliser et gérer leurs données de santé de manière plus autonome à l’avenir. À terme, l’objectif devrait être la mise en place d’un écosystème de données de santé centré sur les citoyen-ne-s au travers de la promotion de plateformes d’échange de données participatives, dont pourrait notamment profiter le domaine de la recherche.
Moritz Fegert est chargé de projet International Digital Health au foraus, Isabel Knobel est chargée de projet chez Sensor Advice.