Est-il difficile pour un médecin suisse de s’installer en France?
Helvetia et Marianne, l’amour vache. Fin juin 2022, nous diffusions sur Heidi.news le témoignage d’une médecin française en Suisse. L’occasion de poser un autre regard, parfois sans concession, sur notre système de santé. Installée depuis six ans dans le canton de Fribourg, elle y faisait part de sa surprise face à l’influence des médecines complémentaires, et de sa frustration de se voir cantonnée à un statut subalterne par rapport aux médecins FMH.
Ce témoignage n’a pas eu l’heur de plaire à une (ex-)lectrice, médecin en cabinet à Genève, spécialisée dans la médecine chinoise et l’acupuncture, qui y voit une attaque injustifiée contre sa discipline. Elle nous écrit aussi pour égaliser le score de part et d’autre du Jura, en évoquant des freins à l’installation des médecins suisses de pratique privée en France:
«Il est encore plus difficile et quasi impossible pour un médecin suisse dûment diplômé de pratiquer en France, cette dernière appliquant des règles ou plutôt des obstacles encore plus drastiques et protectionnistes malgré la pénurie et les déserts médicaux: lorsqu’on émigre volontairement, on est bien obligé d’accepter les lois du pays.»
A notre demande, elle précise son idée:
«Pour pratiquer en libéral avec un diplôme suisse, même FMH avec plus de 10 ans de formation postgrade, il faut faire au minimum deux années de chef de clinicat dans un hôpital français reconnu pour pouvoir facturer à la sécurité sociale.»
La réponse d’Yvan Pandelé, journaliste santé à Heidi.news. Je vous remercie pour ce retour en forme d’aiguillon. Après quelques recherches et coups de téléphone, je crois pouvoir affirmer qu’il repose sur une mauvaise lecture de la situation. En tout état de cause, il n’y a pas d’obstacles administratifs particuliers à l’installation de médecins suisses en France. Comme vous le remarquez vous-même, ce serait assez incongru, au vu de la grave pénurie médicale qui sévit là-bas.
Il est en revanche clair que les praticiens helvètes ne se battent pas pour exercer outre-Jura. Les raisons en sont assez claires et n’ont rien à voir avec une volonté politique: il s’agit de la différence de pouvoir d’achat et de la situation beaucoup moins enviable des médecins de pratique privée (ou libéraux, selon la terminologie locale) en France. Plongeons ensemble dans les méandres de la médecine hexagonale.
Amourettes européennes. La coopération entre la Suisse et les pays voisins sur l’immigration de travail ne date pas d’hier. Retenons le 1er juin 2002, date d’entrée en vigueur des accords bilatéraux entre la Confédération et les Etats membres de l’Union européenne, qui consacrent la libre circulation des personnes – et prévoient explicitement le cas des professionnels de santé.
Il découle de ces accords qu’une fois son titre reconnu en France, un médecin suisse peut exercer comme n’importe quel autre médecin européen – et donc français. Le Conseil national de l’Ordre des médecins français (CNOM), équivalent de notre FMH, me le confirme:
«En clair, un médecin diplômé en Suisse est considéré comme un médecin à diplôme européen, et son diplôme est automatiquement reconnu s’il souhaite s’installer en France: il n’a qu’à se rapprocher du conseil départemental du lieu où il souhaite être inscrit pour initier la procédure de reconnaissance et d’inscription.»
Reconnaissance facile. En réalité, l’enjeu en matière d’immigration médicale intra-européenne se situe surtout autour de la reconnaissance des diplômes. A ce titre, est-il difficile pour un médecin FMH formé en Suisse d’être habilité à exercer dans les riantes contrées hexagonales? Eh bien non.