Enfants trans*: la RTS s’emploie à faire peur, avec un reportage réducteur et orienté

Flore Blancpain et Sandrine Gamblin

Des parents concernés partagent leur point de vue après la diffusion du Temps Présent intitulé “Détransition, ils ont changé de sexe et ils regrettent”. Chaque histoire est singulière, mais ils jugent que la RTS a choisi les plus anxiogènes. Un procédé pouvant à leurs yeux avoir des conséquences graves sur les jeunes concernés et leur entourage, sur leur bien-être psychique et physique, voire sur leur sécurité.

Nous, parents concernés de l’association TransParents, sommes consternés par l’émission de Temps Présent du 2 mars 2023, «Détransition, ils ont changé de sexe et ils regrettent». Notre association est citée en fin d’émission, bien qu’aucun de nos membres n’y apparaisse; raison pour laquelle nous prenons la parole aujourd’hui.

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Le titre de l’émission, ainsi que son contenu, nous ont confirmé le profond malaise que nous avions alors éprouvé quand les journalistes de Temps Présent nous avaient contactés.

Singularité des parcours. Les parcours de transition sont semés de doutes, d’interrogations, d’obstacles et parfois de violence. Ils sont complexes et multiples, ils sont longs et souvent douloureux. Chaque histoire est singulière – nous en recueillons tous les jours les témoignages; et cette singularité des parcours de nos jeunes nous interdit d’imposer une manière univoque et dogmatique d’aborder les questions de transition de genre.

La complexité et la diversité des parcours sont malheureusement absentes de ce reportage. Nous entendons bien la parole de ce père inquiet pour son enfant. Ses questionnements sont légitimes, nous les avons tous eus. Pour autant, les parcours individuels présentés dans l’émission ont leur problématique familiale propre et singulière, et sont tout simplement utilisés dans l’objectif, à peine voilé, de stigmatiser les parcours de transition, et donc les personnes transgenres, ainsi que les professionnels de santé et les associations.

Autonomie de penser. Ce procédé a des conséquences graves sur les jeunes concernés et leur entourage, sur leur bien-être psychique et physique, voire sur leur sécurité.

Nous sommes consternés d’entendre que nos enfants seraient les victimes des réseaux sociaux et de «contagion sociale», sans autonomie ni capacité de penser. La maturité de leur discours, leur sensibilité et leur intelligence forcent au contraire notre admiration et devraient ébranler vos idées reçues. Nos enfants nous rappellent tous les jours que la diversité et la complexité sont au cœur de l’humain.

Parti-pris réducteur. Notre association entend offrir un espace d’échange d’expériences et d’accompagnement des familles dans leur cheminement, de manière bienveillante et sans jugement, dans l’intérêt des jeunes concernés et de leur bien-être général. C’est pourquoi nous sommes choqués du parti-pris réducteur et sensationnaliste qui sous-tend ce reportage dans un programme pourtant réputé pour sa rigueur et son éthique journalistique.

Quel message est-il ainsi envoyé au public? Avez-vous conscience des conséquences d’une telle émission sur ces jeunes qui se battent tous les jours contre les discriminations, à l’école, dans la rue ; sur nous, parents concernés, qui nous efforçons, avec nos questionnements et nos craintes, de faire en sorte que nos enfants gardent le sourire et la force d’être au monde?


Flore Blancpain, ancienne déléguée du CICR, et Sandrine Gamblin, chercheuse universitaire, sont membres fondatrices et co-présidentes de l’association TransParents.