En Suisse, des enfants trop souvent seuls face au trouble psychique de leur parent

Image d'illustration. | Shutterstock / Jorm S

Combien sont-ils à souffrir en silence? Les enfants qui grandissent avec un parent atteint de trouble psychique sont plusieurs centaines de milliers en Suisse. Ils peinent pourtant à être reconnus et restent, trop souvent, seuls face à la maladie de leur parent. Sarah, Agathe*, Sasha*, Emilie* et Florian, tous concernés, ont accepté de raconter à Heidi.news les turbulences de leur enfance. Ils disent l’isolement et, parfois, le manque de considération. De leur côté, les professionnels de la santé mentale évoquent un paysage complexe et morcelé.

Pourquoi ça interpelle. Il est difficile d’identifier les familles en besoin de soutien social, du fait du trouble psychique d’un ou deux parents. En cause, le tabou de la santé mentale, les loyautés familiales, la peur de perte de garde et, parfois, le manque de sensibilisation des soignants et éducateurs. Se pose aussi la question des dispositifs de soutien, disparates et pas toujours connus des professionnels eux-mêmes.

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Ça se passe près de chez vous

Pendant longtemps, Sasha*, Emilie*, Agathe*, Florian et Sarah n’ont parlé de leur situation familiale à personne, ou presque, en dehors du cercle familial. Certains ont vécu un véritable enfer et pourtant, ils sont souvent restés sous le radar du réseau d’aide psychosocial.

Leur vécu et les ressources qu’ils ont eu à disposition ne sont pas identiques: ils ont grandi à Genève, Lausanne et Vevey et ont été scolarisés à l’école publique entre les années 1980 et 2010. Pourtant, leurs voix se font écho pour dessiner les difficultés auxquelles font face les jeunes qui grandissent avec un parent en souffrance psychique:

  • Ils ont dû composer au quotidien avec un environnement instable, souvent dans le secret du noyau familial, assumer des tâches parentales et devenir autonomes très tôt. Lorsque le parent refuse d’être traité, l’enfant se trouve souvent contraint de gérer lui-même les crises.

  • Beaucoup ont peur de développer à leur tour un trouble psychique, ou d’être considérés comme malades. Le rapport au monde de la psychiatrie est souvent compliqué, beaucoup posant un regard sévère sur la façon dont ils ont été considérés par les soignants.

  • Certains ont subi du harcèlement de la part d’un parent malade, de la négligence et des comportements déplacés, voire maltraitants. Tous ont dû — et le plus souvent, doivent encore — gérer une relation complexe avec un parent qu’ils aiment, mais qui s’avère inconstant.

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Une goutte dans l’océan? Autant de situations qu’accompagnent les fondations Le Biceps à Genève, As’trame ailleurs en Suisse romande, et l’Institut Kinderseele Schweiz en Suisse alémanique.

A Genève, Le Biceps suit une centaine de jeunes par année. Probablement une goutte d’eau dans l’océan, regrette Silvia Parraga, une des trois psychologues (à temps partiel) de la structure:

«Nous nous occupons d’enfants qui vont plutôt bien. Ils n’ont pas développé eux-mêmes des troubles psychiques. Quand c’est le cas, les enfants concernés sont repérés par l’école et suivis par l’Office médico-pédagogique. Le travail du Biceps se concentre sur les enfants discrets, ceux qui ne font pas trop de vagues, qui sont plutôt sages et qui ont des bonnes notes — mais qui souffrent en silence. De ces enfants-là, je pense que, malheureusement, nous n’en voyons qu’une goutte.»

A titre d’illustration, Silvia Parraga évoque le cas récent d’un élève qui a attendu sa majorité pour rapporter ses difficultés à la conseillère sociale de son école. «Il avait décidé qu’il se lancerait le jour de ses 18 ans, après s’être tu pendant toute son enfance.»

Un silence destructeur

Le silence qui entoure la condition de ces enfants est multi-factoriel. Il trouve sa source dans le noyau familial même. Comment parler quand on a l’impression de trahir? «Le sentiment de loyauté est souvent très fort, tout comme la peur de ce qui pourrait se passer si l’enfant parle, la peur de détruire sa famille», estime Silvia Parraga. «Tu as peur de dire quelque chose qui va se retourner contre toi et peur de rompre un contrat de confiance», notait ainsi Sasha, qui a dû dénoncer son père au service de protection de la jeunesse vaudois, à 12 ans.

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Dans les cas extrêmes, l’enfant se tait aussi par peur du parent. Si le système de prise en charge peut effrayer, la réaction du parent instable peut terroriser. Parler, c’est souvent avoir le sentiment de trahir. C’est aussi, parfois, devoir subir des représailles directes.

Petits, les enfants n’ont pas non plus toujours conscience des dysfonctionnements familiaux. Ce n’est parfois qu’en commençant à sortir chez des camarades de classe qu’ils comprennent que leur normalité ne correspond pas à celle des autres. Avec le temps, les questionnements évoluent, poursuit Silvia Parraga:

«Plus âgés, les jeunes hésitent à en parler, parfois, par peur de se voir diagnostiquer eux-mêmes un trouble psy, car bien souvent ils ont une crainte de l’hérédité. Arrivés à un certain âge, ils peuvent aussi avoir l’impression qu’ils gèrent, que tout est sous contrôle. Enfin, le rapport à la psychiatrie est parfois compliqué. “Après tout la psychiatrie n’a pas sauvé mon parent, alors à quoi bon?”»

Le tabou entourant les troubles de la santé mentale ne fait qu’aggraver l’isolement de ces jeunes et participe à lier les langues, appuie Silvia Parraga: «On se dit qu’on doit être le seul à vivre cette situation, qu’on va serrer les dents et que ça va aller. Dans l’idéal, il faudrait faire beaucoup plus de formation et de prévention dans les écoles!»

Une solitude toute relative. Au niveau mondial, on estime que 15 à 23% des enfants grandissent à proximité d’une difficulté psychique, au sens large, au sein du foyer familial — qu’il s’agisse de burn out ou de trouble plus chronique. Plusieurs centaines de milliers d’enfants seraient concernés en Suisse.

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Sur le terrain, l’ampleur de la demande a frappé les collaborateurs d’As’trame, lorsque la fondation a lancé en 2015 un programme de soutien aux enfants ayant un parent en souffrance psychique. Anne de Montmollin, directrice de la fondation:

«Quand nous avons lancé le programme Zig Zag, après que des assistants sociaux avaient identifié un manque, nous ne nous rendions pas compte de la réalité que ça représentait, du nombre d’enfants concernés, et du faible niveau de conscientisation des acteurs sur cette problématique.»

En psychiatrie adulte, un jeu d’équilibriste

Pour les fondations Le Biceps et As’trame, la détection des cas seraient plus efficace si les professionnels de la psychiatrie adulte étaient davantage sensibilisés. «La psychiatrie adulte reste très centrée sur son patient, au risque de passer à côté de situation familiale problématique», appuie Silvia Parraga.

Un constat, qu’Amélie*, une Vaudoise atteinte d’un syndrome anxio-dépressif, a vérifié à ses dépens. Après avoir longtemps regretté que sa psychologue ne s’enquière pas davantage des conditions d’existence de son fils — aujourd’hui âgé de 16 ans —, elle a décidé de changer de thérapeute:

«Les psy privés devraient beaucoup plus se préoccuper du cadre de vie concret de l’enfant, évaluer les capacités du parent et surtout informer des solutions qui existent quand le parent ne peut plus assumer son rôle. De mon point de vue, il y a un gros éléphant dans la pièce: la maltraitance. Ce n'est pas parce qu’on a de mauvaises intentions, mais parce que nous sommes empêchés dans la maladie. Dans mon cas, il y a aussi eu trois départs d’incendie!

Me concernant, mes parents aident beaucoup et je suis consciente de mes limites, mais même ainsi j’ai dû demander de l’aide extérieure et j’en ai reçu. Si seulement on m’avait tendu un flyer ou un numéro de téléphone pour savoir à qui m’adresser dès le début, au lieu de devoir chercher par moi-même…»

Du côté de Genève, le Service de protection des mineurs reconnaît volontiers que des cas passent, aujourd’hui encore, entre les mailles du filet. Carlos Sequeira, directeur du Service de protection des mineurs (SPMi) de l'Office de l'enfance et de la jeunesse:

«Nous estimons que les cas qui demandent un suivi ne sont pas suffisamment identifiés, car tous les adultes concernés ne bénéficient pas d'un suivi médical. Par ailleurs, il y a certainement des parents en difficulté psychique qui ne nous sont pas signalés par leur médecin, lequel ne soigne que son patient et ne se préoccupe pas forcément de savoir comment il arrive à s'occuper correctement de leur enfant.»

Or, précise-t-il, le SPMi ne peut évaluer et suivre la situation d'enfants que par le biais des signalements qui lui sont adressés.

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Dans le canton de Vaud, le constat se veut plus optimiste. Frédéric Vuissoz, directeur général adjoint de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse, estime que les professionnels de santé qui s’occupent des parents sont davantage sensibilisés qu’auparavant:

«A niveau de la psychiatrie adulte, il y a maintenant des espaces d’accueil spécifiquement prévus pour les enfants. Ces derniers sont de plus en plus informés sur la pathologie dont souffre leur parent. Concernant la responsabilité du bien-être des enfants et des adolescents, il incombe à chaque professionnel de s’inquiéter de leur bien-être, car ils sont les plus vulnérables. Je rappelle également que les professionnels ont l’obligation de signaler à la DGEJ tout enfant en danger dans son développement et pour lequel les parents, malgré l’aide apportée, ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins.»

Pour Frédéric Vuissoz, toutefois, il serait possible d’améliorer la détection des cas, notamment en renforçant la formation et en créant un référentiel commun, entre les professionnels concernés, sur la mise en danger de l’enfant et les niveaux de parentalité.

Norme ou exceptions? Du côté de la psychiatrie adulte, les retours sur un possible manque de considération vis-à-vis des enfants de patients font mouche. La Dre Catherine Léchaire, vice-présidente du groupement des psychiatres psychothérapeutes vaudois (GPPV), se dit touchée. La critique ne correspond en aucun cas à la façon dont les psychiatres et les psychologues sont formés aujourd’hui, appuie-t-elle:

«La condition de ces enfants est une réelle préoccupation. Les enfants et adolescents ne devraient pas être des proches aidants. Lors d’une investigation psychiatrique et psychothérapeutique, nous évaluons soigneusement l’environnement du patient, que ce soit en termes de ressources, mais également de charge, afin de pouvoir proposer l’approche la plus adaptée à la situation.»

Pour la psychiatre vaudoise, «il y a probablement moins de situations, dans l’absolu, dans lesquelles les enfants sont proches aidants et sans soutien» qu’auparavant, du fait de l’amélioration des prises en charge ambulatoires — plus systémiques — et de la sensibilisation de la population et des professionnels concernés.

Sandrine Ghilardi, présidente du Groupe des Psychiatres-Psychothérapeutes Genevois, abonde et complète: «Bien sûr, il y aura toujours des professionnels qui ne feront pas leur travail correctement, comme dans tous les métiers du monde». La pédopsychiatre, qui a elle-même grandi avec un parent atteint de trouble psychique, n’a d’ailleurs pas hésité à faire intervenir Le Biceps lors d’une assemblée de professionnels de la psychiatrie adulte, précise-t-elle:

«Attention à ne pas réduire le problème à une “cible facile”. On s’attend, souvent à tort, à ce que les soignants voient tout. Or, suivant comment le patient se comporte et décrit son environnement familial, il est possible de sous-estimer l’ampleur des événements. Le bien-être de ces enfants est de la responsabilité de tous: aux niveaux médical et familial, mais aussi de l’école et du voisinage, par exemple.»

Gare aux raccourcis. Les deux psychiatres invitent à saisir toute la complexité de la prise en charge. «Il y a une temporalité pour amener les choses», note Catherine Léchaire qui explique devoir composer avec la réticence des patients eux-mêmes:

«Trouver le bon mélange entre empathie, suivi du patient et suivi de la situation familiale n’a rien d’aisé. Evidemment, quand nous soupçonnons une situation problématique, nous avertissons la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (pour le canton de Vaud, ndlr.). A côté de ça, il y a tout un travail délicat et complexe qui est fait autour de la situation familiale.

Quand nous demandons, par exemple, la permission d’appeler le pédiatre de l’enfant — nous sommes liés par le secret médical —, l’intention peut être perçue comme une intrusion et une suspicion de maltraitance. C’est d’autant plus complexe qu’on parle parfois de patients qui considèrent que la parentalité est le seul projet qu’ils ont réussi à mener à bien. Pour nous également, les blocages sont frustrants, sachant que les situations peuvent être très dures et que les solutions existent pour le bien de l’enfant et celui du parent. Le plus important est de travailler en réseau.»

Au CHUV, plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années pour renforcer la prise en considération de la situation familiale des patients dans le suivi, et en particulier celle de leurs enfants. A la clé, l’aménagement d’une salle de visite pour que les parents hospitalisés suffisamment stables puissent recevoir leur enfant dans de bonnes conditions. Des groupes de discussions sur la parentalité, faisant intervenir la fondation As’trame, se tiennent aussi régulièrement avec des patients parents.

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«Sur le papier, des solutions existent», note Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie générale du CHUV, qui précise qu’en pratique le sujet reste très sensible. Son service marche sur des œufs:

«Nous avions réfléchi à un programme pour informer les enfants de ce qui se passait en cas d’hospitalisation du parent — sur la base de ce qui se pratique en Norvège. L’idée, un peu naïve, était de pouvoir répondre à toutes leurs questions directement à l’hôpital avec le parent malade, mais quand nous avons voulu l’implanter, nous nous sommes vite rendus compte que les parents craignaient que nous rentrions dans une sphère intime, avec le risque d’un retrait de garde par les services de protection de la jeunesse.

Sans compter la difficulté à aborder ces sujets pour les patients qui s’autostigmatisent, après avoir été considérés souvent pendant longtemps comme incompétents par la société qui les entoure. A mon sens, la réticence vient de là, pas d’un manque de volonté des soignants. Faire intervenir As’trame nous permet aujourd’hui de créer des ponts sans “passage en force”.»

Quand la peur empêche. Dans le canton de Vaud, seule une interventions de la DGEJ sur dix s’effectue sur la base d’une demande d’aide d’un parent — souvent accompagné par un professionnel. Le reste du temps, le signalement est fait par un professionnel en lien avec l’enfant ou le parent concerné, souvent par l’école ou le monde médical.

La méconnaissance des services de protection de l’enfance retient les parents de demander de l’aide quand ils en ressentent le besoin, la peur d’un retrait de garde planant dans tous les esprits. Or, le panel des mesures de soutien possibles est vaste, précisent le SPMi et la DGEJ, et beaucoup sont compatibles avec un maintien de l’enfant au domicile du parent.

Même si le maintien à domicile n’est plus possible, il existe des solutions de placement temporaire et de courte durée, ou sur du plus long terme, soulignent-ils. Et même dans les cas les plus complexes, «le retrait de garde se fera seulement si le parent refuse le placement proposé», note Carlos Sequeira (SMPi).

Le rôle clé des hôpitaux

Environ 800 enfants de moins de 18 ans sont concernés chaque année par le séjour de l’un de leurs parents à l’hôpital psychiatrique de Cery (Vaud). Ce chiffre illustre parfaitement le rôle pivot que pourraient jouer les hôpitaux dans l’identification des enfants concernés et l’orientation des familles dans le réseau de soutien. Si à l’heure actuelle, les dispositifs mis en place au CHUV font figure d’exception en Suisse romande, des mèches s’allument ailleurs.

Aux urgences psychiatriques des HUG, notamment. En 2017, à l’issue d’un DAS — Diploma of Advanced Studies — sur la santé de l’enfant, de l’adolescent et de la famille, Maria Janier, une infirmière des urgences psychiatriques de l’hôpital, décide, soutenue par ses collègues, de créer une salle d’attente aménagée pour accueillir les enfants qui accompagnent leur parent aux urgences.

Devenue depuis infirmière scolaire, elle n’hésite pas à revenir sur son ancien lieu de travail pour raconter la genèse d’un projet qui lui tient toujours beaucoup à cœur. Dans une petite salle des urgences où trônent canapé, livres et jeux, elle explique:

«Ce n’est qu’en me renseignant lors de ma formation que j’ai pris conscience du risque de traumatisme pour les enfants qui accompagnent leur parent aux urgences psychiatriques, un risque qui fait complètement sens vu notre écosystème — les patients peuvent faire peur, parfois ils sont amenés par la police, il y a des agents de sécurité, des cris, etc.

Avant cela, nous ne les prenions pas particulièrement en considération. C’est comme si on ne les voyait pas - probablement happés par nos schémas de la psychiatrie adulte, qui est par définition un monde d’adultes. Pourtant, ils étaient là, dans les couloirs, parfois seuls avec leur mère malade. Nous avons passé des nuits avec des nourrissons dans les bras qui pleuraient. Nous ne prenions pas de recul: aux urgences, nous avons toujours la tête dans le guidon.»

L’idée, ici, n’est pas d’évaluer la situation familiale et de juger du bien-être de l’enfant, mais que ce dernier passe un bon moment. «Ça n’a l’air de rien, dit Maria Janier, mais c’est déjà beaucoup. On reconnaît à l’enfant le droit d’être un enfant, et au parent, son rôle de parent. Et on sait que pour ces enfants, passer un bon moment est un facteur de résilience.»

Si le projet se concentre sur les soins aigus et n’a pas encore fait son chemin en psychiatrie adulte, il permet aux infirmières d’établir un contact avec les familles, durant les quelques heures où le patient reste aux urgences. Un laps de temps court mais opportun pour faire connaître les ressources à disposition. Aline Folliet, infirmière aux urgences psychiatriques des HUG, active dans le projet, note:

«Nous n’imposons rien, nous proposons. Nous orientons volontiers vers Le Biceps, dont les prestations sont gratuites — un levier de poids pour de nombreuses familles. Et il n’y a pas les mêmes enjeux psychologiques quand nous évoquons Le Biceps que le SPMi. Nous remarquons que les parents sont très demandeurs, souvent conscients de leurs propres limites.»

Les infirmières qui portent le projet espèrent que cet élan en inspirera d’autres. «Ce n’est pas facile de mobiliser les professionnels du monde des adultes, note Maria Janier. Il faut être pugnace!»

Le nerf de la guerre. Autre obstacle majeur, la question des ressources à disposition, note Philippe Conus (CHUV):

«Nous avons de nombreuses idées qui ne demandent qu’à prendre forme, mais, comme toujours, la question des ressources est cruciale. L’hôpital est devenu un lieu de soins aigus avec des séjours courts, ce que je trouve problématique en psychiatrie où les patients ont besoin de temps pour se remettre, métaboliser ce qui leur est arrivé avant de pouvoir donner un discours clair à leur enfant.»

Une enquête nationale. L’enjeu, aujourd’hui, est de porter la thématique au niveau national afin qu’elle gagne en reconnaissance — une nécessité pour libérer des fonds.

Une tâche à laquelle s’attelle Kurt Albermann. Joint par téléphone, ce pédopsychiatre de Winterthur s’est spécialisé dans le suivi des enfants qui grandissent avec un parent en souffrance psychique.

  • Il a déjà travaillé avec plusieurs cantons alémaniques, dont Zurich et la Thurgovie, pour implémenter des programmes de sensibilisation.

  • Bâle et d'autres villes ont mis en place des solutions de parrainage qui permettent aux enfants concernés de prendre le large quelques jours en temps de crise ou de pouvoir vivre des relations dans un environnement différent et détendu, accueillis par une autre famille.

Tout récemment, Kurt Albermann a lancé une étude nationale auprès des services de psychiatrie adulte pour référencer les dispositifs mis en place de part et d’autre de la Sarine. «Il y aura sans aucun doute de grandes disparités dans les réponses. L’idée est de pouvoir lancer des programmes pilotes dans cinq cliniques, j’espère avec la Suisse romande», tonne le pédopsychiatre dans le combiné. Il compte bien faire bouger les lignes.