Don d'organes: le consentement présumé s'impose mais prendra du temps à se concrétiser

Les membres du comité de la campagne «Oui à la loi sur les transplantations» avec la coprésidente Flavia Wasserfallen (3e à partir de la gauche) exultent lors des premiers pronostics, dimanche 15 mai 2022 à Berne. | Keystone / Peter Klaunzer

60,2% des Suisses ont accepté la loi sur la transplantation ce dimanche 15 mai. Le pays va donc passer au consentement présumé. Un changement de paradigme qui va prendre du temps avant de s’imposer concrètement: un registre national doit être mis en place – travaux qui devraient durer dix-huit mois environs. La Confédération aura aussi la charge d’informer près de six millions de personnes qu’elles doivent désormais exprimer leur refus au don d’organes par écrit. Les modalités concrètes doivent encore être définies.

Pourquoi ça ne change pas tout. Le consentement présumé, ou le principe du «qui ne dit mot consent» au don d’organes, devrait permettre d’augmenter le nombre de dons particulièrement bas en Suisse. C’est du moins l’espoir des partisans de ce modèle. Mais il ne fait pas tout, comme le montre l’exemple espagnol. L’élaboration du registre national devrait contribuer à améliorer la situation, ainsi que des campagnes d’information régulières au niveau national. Ces éléments très concrets vont néanmoins prendre du temps avant de déployer leurs effets.

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Berne, 12 heures. C’est dans un café bernois proche de la gare que le comité en faveur de la nouvelle loi sur la transplantation s’est réuni ce dimanche. Un écran géant a été installé et SRF1 est branchée. A 12 heures, les premières projections tombent et une vague de soulagement envahit la salle: la loi serait acceptée à 59% (à ce moment-là).

Proches de donneurs, transplantés et politiciens mettent tout de même un moment avant de laisser éclater leur joie. Le temps de prendre conscience que c’est bien le oui au consentement présumé qui va gagner. Les résultats ne sont pas encore définitifs, mais la tendance ne devrait pas changer dans le courant de l’après-midi, juste s’affiner.

C’est une Flavia Wasserfallen, coprésidente du comité et conseillère nationale (PS/BE), heureuse qui prend la parole:

«Je suis submergée par l’émotion. J’ai travaillé dur au Parlement pour élaborer cette loi. Le premier enjeu sera de mener une campagne de communication auprès de la population pour l’informer sur la nouvelle modalité du consentement. Le budget pour ces campagnes devrait être doublé.

La loi prévoit également la création d’un registre national qui devra être établi par la Confédération. Pour plus de clarté, les gens pourront dire s’ils sont contre, mais aussi s’ils sont pour et s’ils ne savent pas que répondre. Pouvoir dire je ne sais pas est très important: on a le droit de changer d’avis.»

Pour Léonore Porchet, conseillère nationale (Les Verts/VD), le oui à la loi sur la transplantation est «une bonne nouvelle». Elle ajoute:

«Il faudra rapidement déterminer qui participera à l’élaboration du registre national sous la responsabilité de l’OFSP. Il faudra aussi évaluer comment implémenter ce changement de paradigme dans la communication envers la population. Cela va prendre du temps: il faudra contacter tous les partenaires, dont les hôpitaux, les médecins de famille, les infirmières et infirmiers de liaison, les CMS, etc. Il faut dorénavant pousser tous ces professionnels de la santé à échanger sur ce sujet avec leurs patients.

Et cet aspect est mon prochain chantier: il faudra financer ce temps pris par les professionnels pour informer.»

Du côté de Swisstransplant. Les buts de la fondation ne vont pas fondamentalement changer avec le oui du peuple de ce dimanche 15 mai. Franz Immer, directeur de la fondation Swisstransplant:

«Avec son vote, le peuple suisse donne un signal clair en faveur d’un changement de mentalité sur le consentement. En pratique, cette évolution va se faire progressivement et Swisstransplant va continuer son travail pour obtenir l’avis du défunt.

La création du registre national va également prendre du temps. L’OFSP estime qu’il lui faudra dix-huit mois pour cela. Cet outil sera assez compliqué à mettre en œuvre, on ne devrait donc rien avoir avant début 2024.

Mais ce chantier ne devrait pas ralentir l’adaptation de notre communication auprès de la population. La discussion menée dans le cadre de ce référendum devrait déjà avoir un impact sur le taux de refus. Il devrait baisser rapidement. Une baisse qui augmentera assez rapidement le taux de donneurs.»

Pour autant, le pays ne passera pas du jour au lendemain de mauvais élève du don en Europe à premier de la classe. Et ce n’est d’ailleurs pas le but visé. Avec un taux de 19 donneurs pour 100’000 habitants, la Suisse peut rapidement mieux faire.

Dans le viseur des professionnels du don d’organes: la France et l’Italie, qui comptent environ 30 à 35 donneurs pour 100’000 habitants.

La suite. La Confédération doit établir un calendrier, les modalités du registre national et les contours des futures campagnes de communication. Alain Berset, conseiller fédéral en charge de la santé:

«Le résultat du vote du jour est une bonne nouvelle pour les personnes en attente d’un don d’organes. Ce n’est pas une révolution pour autant, mais une évolution qui confirme l’attitude positive des Suisses vis-à-vis du don d’organes.

La mise en œuvre sera très prudente et ne devrait pas intervenir avant 2024. La Confédération doit désormais développer un registre national et organiser des campagnes d’information régulières.»

Pour le Conseil fédéral, le consentement présumé devrait aider à faire augmenter le nombre de dons, mais ce seul outil ne suffit pas. La formation du personnel de santé doit encore être améliorée par exemple.