Le constat. Les effets indirects liés à la pandémie sont nombreux, que ce soit en matière de progression de la faim dans le monde et d’autres maladie infectieuses, ou de la détérioration des prestations de soins. Les chiffres officiels publiés par l’OMS et l’Unicef sont les premiers à rendre compte précisément des perturbations des services de santé à l’échelle mondiale.
L’interruption de la vaccination a affecté presque toutes les régions du monde, les plus touchées étant les pays d’Asie du Sud-est et du Moyen Orient (voir tableau ci-dessous).
Au niveau mondial, en 2020, 3,5 millions d'enfants supplémentaires n'ont pas reçu leur première dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (DTP-1) et 3 millions d'enfants supplémentaires n'ont pas reçu leur première dose de rougeole, par rapport à l’année précédente.
En Inde, le recul de couverture vaccinale pour le DTP-3 (troisième dose du vaccin DTP, nécessaire pour une bonne protection) est frappant: elle est passée de 91% à 85%.
En Amériques du Sud et du Nord cumulées, le recul est aussi énorme: seuls 82% des enfants étaient entièrement vaccinés contre le DTP en 2020, contre 91% en 2016.
Sans surprise, la majorité des enfants concernés vivent dans des régions touchées par les conflits, dans des zones isolées et souvent dans des conditions de vie précaire.
Des années d’effort anéanties. Ce recul de la couverture vaccinal est particulièrement inquiétant: même avant la pandémie, les taux de vaccination des enfants à l’échelle mondiale étaient mauvais et très disparates.
Ils stagnaient à 86% depuis plusieurs années pour la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la rougeole et la polio, alors que l’OMS recommande 95% de couverture vaccinale pour une protection efficace contre la rougeole — habituellement la première maladie à réapparaître en cas d’absence de vaccins.
Le risque est donc de voir ressurgir d’important foyers épidémiques dans des régions où la couverture vaccinale avait progressé lentement et difficilement. Pour Seth Berkley, directeur exécutif de l’ONG Gavi, l’Alliance du vaccin, ces chiffres s’accompagner d’une réaction urgente (communiqué):
«C'est un signal d'alarme — nous ne pouvons pas permettre que l'héritage du Covid-19 soit la résurgence de la rougeole, de la polio et d'autres maladies mortelles. Nous devons tous travailler ensemble pour aider les pays à vaincre le Covid-19, en garantissant un accès mondial et équitable aux vaccins, et à remettre les programmes de vaccination de routine sur les rails. La santé et le bien-être futurs de millions d'enfants et de leurs communautés dans le monde en dépendent.»
Du côté de l’Unicef, le son de cloche est le même: «ces données devraient constituer un avertissement clair — la pandémie de Covid-19 et les perturbations connexes nous ont fait perdre un terrain précieux que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre — et les conséquences se paieront en vies et en bien-être des plus vulnérables», note Henrietta Fore, sa directrice générale.
Pour regagner le terrain perdu, les efforts à déployer seront immenses. Il s’agit maintenant pour les gouvernements, l’Unicef, l’OMS et des partenaires tels que Gavi de rétablir les campagnes vaccinales, d’informer soignants et populations sur les bienfaits de la vaccination, d’identifier les populations que la pandémie a laissé sur le carreau et de veiller à ce que les campagnes de vaccination Covid ne se fassent pas au détriment des autres.
Parallèlement, l’OMS insiste sur l’importance «de mettre en œuvre des plans nationaux de prévention et de réponse aux épidémies de maladies évitables par la vaccination».