Réservé aux abonnés

Covid-19: «Voyager en Chine, c’est comme jouer au chat et à la souris»

Un groupe de dabai (les fameux "hommes en blanc"), chargé de contrôler et tester les passants, dans un quartier verrouillé de Pékin (24 novembre 2022). | Keystone / AP / Andry Wong

A Urumqi, Shanghai, et de nombreuses villes chinoises, les protestations enflent comme une vague, dans un pays jamais entré dans l'ère post-Covid. Un enseignant français en Chine témoigne de cette vie sous cloche.

Français d’une trentaine d’années, Hippolyte* enseigne dans une université en Chine. Après avoir exercé à distance pour cause de pandémie, il réside dans une ville moyenne du littoral depuis un an. Il nous relate la vie dans un pays qui n’a jamais renoncé à une politique zéro Covid-19, et où l’absurde n’est jamais très loin.

Sur le contrôle des déplacements

«Il y a tout un système de contrôle des flux de population qui passe par les téléphones, c’est vraiment l’outil premier. Tout le monde a WeChat et Alibaba, pour communiquer et payer, et ces deux plateformes sont liées à ta carte d’identité, ce n’est pas du tout anonymisé. Et chacune dispose d’un système de contrôle par code QR pour savoir par où tu es passé. Tout le monde est obligé de s’y soumettre, à part les jeunes enfants.

Il y a un code santé et un code trajectoire. Le code santé permet de savoir si tu as fait un test récemment ou si tu es vacciné – mais le statut vaccinal n’est pas très important, les autorités s’en fichent, ici c’est le royaume du test PCR. Le code trajectoire montre par quels endroits tu es passé durant les sept derniers jours, et permet de savoir si tu as été dans des endroits considérés comme à risque.

Il y a des contrôles partout dans les villes chinoises. Les transports publics, les entreprises, les lieux publics, les hôpitaux, certaines artères commerçantes, les centres-villes parfois, les lieux culturels… On est obligés de présenter un code santé vert, et très souvent aussi le code trajectoire.

Dans mon expérience, voyager en Chine c’est jouer au chat et à la souris pour éviter les clusters et les mesures de confinement. Tu ne sais jamais trop à qui tu as affaire: des policiers, des fonctionnaires locaux qui font du zèle, ou des «dabai» – les «hommes en blanc» –, souvent des ruraux ou des gens peu qualifiés qui n’ont pas forcément les idées claires. Des «dabai», y a en a des dizaines de milliers dans le pays, on les voit partout.

Il y a parfois des moyens de contourner les contrôles, ce n’est pas aussi serré qu’on pourrait croire. Mais c’est un peu la loterie, on est toujours en train d’essayer de jauger le niveau de contrôle réel.»

La province du Xinjiang confinée

«Je suis allé au Xinjiang cet été, et on a le sentiment que la politique de répression menée contre les Ouïgours a été redoublée par la politique sanitaire. Avec des compagnons de voyage, on est allés dans un village kazakh au milieu des yourtes, à l’ouest de la province. On s’est retrouvés bloqués à l’extérieur du camp, puis à l’intérieur, à attendre que la ville la plus proche dépêche une équipe sanitaire pour faire les tests PCR. Tout ça à cause de quelques cas de Covid dans les montagnes, à des kilomètres de là…

On a dû attendre plus de 24 heures avant d’être testés au milieu du village avec l’ensemble de la population, il y avait un gros orage et les gens s’impatientaient. Et puis les chefs du village nous ont donné l’autorisation de repartir. Mais on a passé l’ensemble du voyage à réviser nos plans pour éviter les zones à risque ou les clusters, de peur de se retrouver avec un code trajectoire rouge.

On avait entendu parler de cas à Urumqi, la capitale de la province. D’après la rumeur, il y a en avait déjà depuis un moment mais quand c’est devenu difficile à dissimuler, les autorités ont préféré tout boucler. Je suis resté bloqué dans un hôtel jusqu’à ce que le comité de quartier m’autorise à quitter les lieux pour prendre un avion. Mais la plupart des habitants sont toujours confinés à ce jour.

Ce qui est frappant aussi, c’est qu’on confine pour une poignée de cas Covid, à une échelle ridicule pour la Chine. La province où je me suis rendu après le Xinjiang était relativement épargnée par l’épidémie: les contrôles étaient très légers, il n’y avait pas de points de tests dans la rue. Mais il a suffi de quelques cas Covid pour voir les hommes en blanc se multiplier partout.»

Cet article est réservé aux abonnés.

Pour lire la suite de cet article et des milliers d'autres, abonnez-vous à partir de CHF 16.- par mois.

Le journalisme de qualité nécessite du temps, de l'investigation et des moyens. Heidi.news est sans publicité. L'avenir de votre média dépend de vous.

Je profite des 30 premiers jours gratuits

Les bonnes raisons de s’abonner à Heidi.news :

  • Un mois d’essai, sans engagement sur votre premier abonnement
  • La newsletter le Point du jour édition abonnés
  • Les archives en illimité
  • Des échanges avec nos journalistes