Cette démarche a cependant fait des émules. En ce début d’année, c’est l’Union syndicale suisse (ndlr. USS) qui demande d’utiliser les réserves pour effectuer un paiement unique de 500 francs aux 8,5 millions d’assurés. Son président avançait déjà cette idée l’automne passé, mais parlait alors de 250 francs. Outre le fait que cela porterait un violent coup à la stabilité du système de santé, on se demande pourquoi l’assurance-maladie serait la plus à même de financer ce plan de relance. Quitte à considérer, comme semble le faire l’USS, que les réserves des assurances-sociales ne sont que des tirelires qu’on peut casser en cas de coup dur pour les détourner de leur but, pourquoi ne pas évoquer les 54 milliards de francs de réserves de la SUVA – contre 11 milliards dans l’assurance-maladie. Ou, pour prendre un autre indicateur, parler des réserves de l’AVS, qui couvrent plus de 12 mois de dépenses, contre 4 mois dans l’assurance-maladie.
Un dernier exemple montre qu’il est devenu de tellement bon ton d’émettre des revendications en lien avec les réserves, que l’objectif visé n’a plus vraiment besoin de faire sens. Une association genevoise, le Mouvement populaire des familles, réclame ainsi l’utilisation des réserves pour financer la campagne de vaccination contre le coronavirus. Or, le fait est que ce financement est déjà réglé en détail depuis décembre dernier: assurance-maladie, Confédération et cantons se répartissent les coûts. La prise en charge des doses de vaccin, des prestations de vaccination, de la logistique ou encore l’organisation des centres sont par conséquent garantis. Autrement dit, le problème n’existe pas, mais proposer une solution permet de se profiler à peu de frais.
A rebours de ces revendications outrancières, la proposition de curafutura offre une vraie marge de manœuvre, sans prétériter la stabilité du système. Elle permet en outre d’agir en amont par rapport au projet du Conseil fédéral. L’intégration des réserves excédentaires dans le calcul des primes est en effet la manière la plus directe d’en faire profiter les assurés, grâce à la fixation de primes plus basses qu’en temps normal. Pour ce faire, il faudra accepter de toucher au principe de couverture des coûts pour que l’Office fédéral de la santé publique puisse approuver des primes plus basses que les coûts. Enfin, autre avantage, l’intégration des réserves au calcul des primes déploie des effets sur le long terme: il sera possible de limiter l’augmentation des primes sur plusieurs années et de lisser leur évolution pour éviter des hausses aléatoires et trop abruptes.