Joël Goldstein – Le problème principal est que la sensation de soif s’estompe quand on est âgé. C’est normal et physiologique, mais n’ayant plus cette sensation, les seniors n’y pensent pas et ne boivent pas. On parle de personnes âgées de plus de 80 ans surtout, qui ont peut-être aussi moins de mobilité, d’occasion de sortir et de bouger. Elles ont l’impression que tout va bien et perdent quand même beaucoup d’eau. J’ai déjà vu des personnes âgées qui même à 35 °C dehors gardent leur jaquette!
On peut faire le tour des conseils pour éviter les problèmes?
Il est conseillé de boire entre 1,5 et 2 litres d’eau par jour. Ca c’est la bonne recommandation, mais maintenant on fait comment pour qu’elle soit suivie? Soit on a des proches qui arrivent à stimuler, soit on a aussi des applications qui apparaissent sur les tablettes et portables, les personnes âgées ont leur téléphone et il sonne régulièrement pour leur rappeler. Entre parenthèse, on a beaucoup plus de personnes âgées connectées qu’on ne le pense. J’ai un foyer de jour avec une dame de plus de 87 ans qui ne parle que géorgien, pour communiquer elle utilise Google Trad sur son téléphone…
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Sinon, on peut manger des fruits, pastèques, melons, qui sont pleins d’eau. Prendre régulièrement des douches ou des lingettes humides pour avoir une sensation de frais. Ce qu’on recommande aussi beaucoup, c’est de fermer les stores et les fenêtres la journée, à partir de 9 heures le matin, pour garder la fraîcheur. On peut aussi aller profiter de l’ombre des parcs: là où il y a de l’herbe, il fait moins chaud. Ceux qui habitent en bordure de l’Arve, profitez-en!
En cas d’autonomie déclinante, vous conseilleriez aux proches de rester présents, quitte à repousser un départ en vacances?
Oui mais là c’est vrai que l’on soit ou pas en canicule. Dans ce cas, il est important de pouvoir faire appel aux services de maintien à domicile, ou à Pro Senectute, pour s’assurer que la personne en perte d’autonomie puisse être en sécurité. Mon père a 100 ans, on s’assure de l’appeler 2 à 3 fois par jour, qu’il y ait un ventilateur, des brumisateurs – ce n’est pas très écolo mais ça rafraîchit –, et qu’il reste à l’intérieur.
Après vient la question de la surveillance des signes de déshydratation. Les symptômes qui apparaissent rapidement, c’est une désorientation. On peut avoir des personnes âgées en crise aigüe, confus, voire en délirium. Là, et a fortiori si on n’arrive pas à les faire boire, il est urgent d’appeler une aide médicale (Genève Médecins). Quand on est un proche, ce n’est pas toujours évident de dire à son père ou sa mère de boire un verre. Là ce sont des professionnels avec une certaine autorité, ils peuvent se faire mieux entendre, et décider d’hospitaliser au besoin.
La vulnérabilité à la chaleur croise aussi des questions plus sociales, d’isolement.
Des populations à risque, il y en a, c’est indéniable. Mais une fois de plus, c’est vrai que l’on soit en canicule ou pas. Le plan canicule, tout le monde s’y est mis à Genève et c’est assez bien fichu: les communes font des chaînes téléphoniques et appellent régulièrement, le dispositif est vraiment bon. Le résultat c’est qu’en temps de canicule, normalement on n’a pas d’augmentation des hospitalisations.
Avec le changement climatique, on va au-devant de canicules de plus en plus fréquentes. Le dispositif est viable s’il doit être maintenu plusieurs semaines, voire plusieurs mois?
Je pense que c’est faisable mais ça demandera la mise en place de ressources plus importantes que celles qu’on a eues maintenant. Surtout si on franchit les 40 degrés, ça devient compliqué pour tout le monde. On parle des personnes âgées mais passé une certaine température, ça veut dire que le personnel autour, dans les hôpitaux gériatriques ou à l’Imad, les travailleurs sociaux, ils sont en train de cuire! D’autant qu’on est tous assez éprouvés après la pandémie, et sur le terrain les gens se déplacent souvent en vélo. Donc ça demandera des ressources en personnel plus importantes.