«C’est bon, je me suis testé, ce n’est pas le Covid»: pourquoi vous avez tort

Des caissettes d'autotests antigéniques Covid-19. | Pixabay / Cameraforyouexperience

Un autotest négatif, preuve qu'on n'a pas le Covid? Le raisonnement est fréquent, mais faux: ces tests sont des passoires, a fortiori pour détecter le variant Omicron.

C’est la rengaine de l’hiver. On s’enrhume, on va en pharmacie, on se teste, puis on rassure son entourage: «C’est pas le Covid, je suis négatif.» Après quoi, à l’occasion, on le contamine… Car il est très possible d’être infecté tout en ayant un autotest négatif. Dans les périodes de grande circulation virale, comme c’est le cas cet automne-hiver, ce type de test n’offre à peu près aucune garantie.

Pourquoi c’est important. La mauvaise compréhension des autotests favorise l’adoption de comportements à risque, sur la base d’un faux sentiment de sécurité. D’où un risque accru de contaminer des amis, des proches ou des collègues, parmi lesquels des personnes possiblement vulnérables – a fortiori en Suisse, où la campagne de rappel vaccinal ne fait pas recette.

Le point vocabulaire

Autotest, test antigénique, test rapide, de quoi parle-t-on? En pratique, pour le Covid-19, à peu près de la même chose. Les tests antigéniques visent à détecter des protéines virales via leurs parties (antigènes) reconnaissables par des anticorps placés sur une bandelette — une méthode immunologique connue de longue date. Comme le résultat est disponible en quelques minutes, ils sont aussi appelés tests rapides. Quand ils sont conçus pour que le frottis soit réalisé par l’utilisateur lui-même, ils héritent du nom d’autotest.

Une question de sensibilité. Les autotests Covid-19 vendus en pharmacie représentent désormais une partie substantielle du dépistage: pour le seul mois de novembre, l’association suisse des grossistes en pharmacie Pharmalog, qui fournit 80% des officines du pays, a livré 250'000 tests. Pour comparaison, environ 230'000 tests PCR ont été réalisés sur la même période.

On le sait depuis le départ, ces autotests sont loin d’être aussi fiables qu’un test PCR:

  • Un autotest positif offre la quasi-certitude d’être infecté par le Covid-19 – il n’y pas ou très peu de faux positifs.

  • Mais un autotest négatif ne garantit pas l’absence d’infection – il y a beaucoup de faux négatifs.

En pratique, selon les critères établis par la Société suisse de microbiologie (SSMB), l’OFSP a retenu pour l’arrivée sur le marché suisse, en octobre 2020, les autotests sensibles à au moins 85%. Mais la situation épidémique a évolué depuis.

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Des tests peu fiables. L’arrivée du variant Omicron a impacté la sensibilité des autotests à la baisse, par rapport au précédent variant Delta. Dans une étude récente, l’équipe de microbiologie du CHUV a établi des ordres de grandeur pour Omicron BA.1:

  • Pour des patients en ville (testés 1 à 2 jours après les symptômes), cette sensibilité était autour de 60-70%.

  • Pour des patients à l’hôpital (testés 1 à 2 semaines après l’apparition des symptômes), la sensibilité des autotests était de l’ordre de 30%.

Ce différentiel est dû au fait que les tests antigéniques détectent surtout les charges virales élevées, ce qui est le cas en tout début d’infection. A l’inverse, il est très facile de passer à côté d’une infection lorsque plusieurs jours se sont écoulés et que la charge virale est alors plus faible.

Le Pr Gilbert Greub, directeur de l’Institut de microbiologie du CHUV, qui a dirigé ces travaux:

«La personne lambda qui a quelques symptômes et va se faire tester, si elle est dans les deux premiers jours, la sensibilité sera de l’ordre de 65%, on détecte deux-tiers des cas. Si elle attend 5 jours pour se faire tester, la sensibilité sera beaucoup plus basse. Et ce malgré le fait que dans notre étude, nous avons utilisé le test de Roche, le plus utilisé en Suisse et qui tend à faire référence. Mais il y a des tests très médiocres, presque toujours négatifs, même pendant les 2 premiers jours de symptômes, ou qui présentent nombre de faux positifs.»

Une autre étude récente réalisée aux HUG confirme qu’il existe une grande hétérogénéité de sensibilité selon les tests. Sept autotests commerciaux utilisés en Suisse ont été évalués, et la sensibilité de détection des infections à Omicron BA.1 s’échelonnait de 39 à 86%.

Et avec les sous-variants actuels?

En Suisse circulent actuellement des sous-variants Omicron de deuxième génération, BA.5 et BQ.1. Il n’existe pas de données fiables concernant leur détection par les autotests, mais les experts estiment qu’elle ne doit pas différer d’Omicron BA.1 ou BA.2. En effet, les tests détectent la protéine virale N (nucléocapside), qui correspond à une partie du génome de Sars-CoV-2 ayant très peu muté au sein de la branche Omicron.

«Au secteur E des HUG, on a commencé à détecter BQ.1 sur moins d’une dizaine de patients avec des tests rapides et on n’a pas eu de problème, rapporte la Pre Isabella Eckerle, du Centre national de référence pour les infections virales émergentes. Les nucléocapsides n’ont pas vraiment changé, il y a bien une petite mutation, mais ça ne devrait pas changer grand-chose pour les tests antigéniques.»

De l’utilité des autotests. Les faibles performances des autotests font débat depuis leur introduction au printemps dernier, sur le modèle de l’Allemagne. «Même au sein de l’OFSP il y avait des dissensions sur l’introduction du test antigénique, rapporte Gilbert Greub. Les épidémiologistes étaient en faveur, les microbiologistes étaient contre. Finalement, la task force a tranché en leur faveur.»

Il n’est pas dit que les précautions d’emploi introduites avec l’autotest – à utiliser rapidement en cas de symptômes, sans trop se fier aux résultats négatifs, à confirmer par une PCR – aient vraiment pris auprès du grand public. Les centres de test ayant fermé ou réduit leurs horaires, il n’est pas toujours simple d’avoir recours à un test PCR de validation. Gilbert Greub:

«Un de mes amis, urgentiste au CHUV, a été exposé à une personne positive au Covid. Il va se faire tester un samedi, le centre lui propose un test antigénique parce qu’ils ne font pas de PCR le week-end. Il insiste, mais impossible. Résultat: il fait un test antigénique, qui s’avère négatif. Comme il a des symptômes, il attend le lundi pour faire une PCR, qui revient positive. Mais dans l’intervalle, il a pu contaminer d’autres personnes…»

Quelle attitude adopter avec les autotests, si pratiques mais si peu fiables? La virologue Isabella Eckerle (HUG):

«Ce qui est reste vrai, c’est que si un test est positif, il est très probable que ce soit le Covid. Mais si c’est un test négatif, ça ne veut rien dire. Si j’ai une grand-mère de 90 ans et que j’ai le nez qui coule, même si mon test est négatif, c’est clair qu’il vaut mieux éviter de se fier aux tests antigéniques.»

Même son de cloche chez le microbiologiste Gilbert Greub:

«Dans le contexte actuel, c’est ennuyeux. Personne ne met de masque s’il croit qu’il est négatif. Déjà qu’on voit plein de personnes qui toussent dans le métro… Mais là où ça gêne, c’est quand on va rendre visite à une personne fragile. Si c’est Noël ou un événement important, faites une PCR mais ne vous basez pas sur un test antigénique pour prendre la décision: il tombera à côté au moins une fois sur trois.»

Les stratégies de contournement. Une des stratégies classiques pour pallier la faible sensibilité des tests antigéniques consiste à multiplier les tests – ceux-ci étant vendus par lot de cinq dans les pharmacies. Mais cette stratégie a des limites.

  • Multiplier les tests sur le moment ne sert à rien.

«L’essentiel des faux négatifs sont liés au seuil de détection beaucoup trop haut, explique Gilbert Greub. Il faut 1 million de copies virales par millilitre pour que les tests antigéniques commencent à détecter les protéines virales avec une certaine fiabilité. Si votre charge virale est faible, cela ne sert à rien de faire un autre test antigénique sur le moment.»

Ce manque de sensibilité des tests antigéniques est un problème connu de longue date, ajoute le microbiologiste vaudois. C’est la raison pour laquelle les tests antigéniques pour la grippe ne sont plus utilisés depuis une vingtaine d’années.

  • Réaliser plusieurs tests à la suite peut aider.

La stratégie consistant à faire un premier test, puis un second 24 heures après, puis éventuellement un troisième, peut aider à détecter une infection. «C’est une bonne idée parce qu’au début des symptômes la charge virale augmente, indique Isabella Eckerle. On peut être négatif le matin et positif le soir.»

Le message important. En cas de symptômes classiques (nez bouché, toux, éternuements, fièvre…), comment faut-il interpréter un autotest Covid-19? Deux options, si le résultat est négatif:

  • Vous avez possiblement le Covid-19.

Le faux négatif est une option impossible à exclure, et mieux vaut passer un test PCR pour s’assurer qu’on n’a pas le Covid.

  • A défaut, vous avez très certainement un autre virus.

Actuellement, le VRS, responsable de bronchiolites chez les nourrissons et les personnes âgées fragiles, circule beaucoup en Suisse. C’est aussi le cas des rhinovirus (rhumes) et du virus influenza (grippe), qui peuvent avoir des conséquences non anodines chez les personnes fragiles.

Le mythique «coup de froid». Dans tous les cas, vous n’avez pas juste attrapé froid. Le froid favorise les infections virales ou bactériennes en affaiblissant les muqueuses et possiblement l’immunité innée, mais il existe à tous les coups un pathogène derrière les symptômes… et donc un risque de contagion.

«On ne tombe pas malade juste par la force du Saint-Esprit, il faut quand même une infection, s’amuse Gilbert Greub. On peut être colonisé avec des germes et le froid fait qu’on devient symptomatique.»

Test positif ou non, la présence de symptômes respiratoires justifie donc de porter le masque ou d’éviter les contacts sociaux, en particulier avec des personnes vulnérables.