Au coeur de l’unité qui accueille des malades psychiques atteints de Covid-19 à Genève
Notre nouvelle newsletter gratuite, le Point Coronavirus vient remplacer pour quelques semaines le Point Sciences. Chaque jour, elle livre infos, témoignages et analyses au cœur des hôpitaux. Ce nouveau rendez-vous quotidien donne la parole aux soignants qui se dévouent sur le front du Covid-19.
Sabrina Delean est infirmière responsable d’équipe de soins, spécialisée en psychiatrie. Depuis le 13 mars, le Covid-19 a transformé son quotidien professionnel, et personnel.
Sabrina travaille au sein de l’unité de psychiatrie hospitalière adulte (UPHA). Une petite unité de dix-huit lits, située au 5e étage des HUG, et qui accueille des personnes souffrant de troubles psychiques et physiques: des mères ayant besoin d’un suivi pendant et après la grossesse, des personnes souffrant de troubles alimentaires ou en situation de handicap. Le 14 mars, l’unité a été «intégralement vidée» en une semaine pour accueillir des malades du Covid-19, présentant également un problème psychique.
«Tout a été anticipé pour faire face à la crise», raconte l’infirmière. Les personnes prises en charge jusqu’alors ont été redirigées, selon leurs besoins, vers Belle-Idée ou vers les autres unités des HUG, avec un suivi psychologique. «Les patients et leurs familles ont bien compris cette démarche. Nous sommes restés en contact téléphonique ou si nécessaire physique avec les autres unités pour les soutenir et les accompagner dans le suivi des patients que nous avons transférés.»
Le premier patient de Covid-19 est arrivé le 16 mars. Leur nombre a augmenté graduellement depuis : trois, six, huit et hier dix personnes étaient suivies à l’UPHA. «Cela nous a permis de former le personnel médico-soignant et de faire des rappels quant aux mesures spécifiques. Chaque détail est extrêmement important pour éviter la contamination: comment s’habiller et se déshabiller, par exemple.»
L’unité a également réfléchi à la gestion des personnes présentant une forte agitation ou en situation de handicap mental et qui auraient du mal à comprendre ou respecter les consignes de sécurité: porter un masque, ne pas sortir. «Nous nous sommes donc coordonnés avec les différents intervenants pour connaître les antécédents des patient.e.s et avec la sécurité pour que leur personnel puisse intervenir rapidement, en prenant toutes les précautions nécessaires.»
La moitié des personnes accueillies à l’UPHA depuis le début de la crise n’ont pas d’antécédent psychiatrique. «Ce sont souvent des personnes contaminées par le Covid-19 qui ont développé un stress aigu lors de leur parcours aux soins intensifs et lors de leur intubation. Se sentir en difficulté respiratoire ou vivre avec l’idée de contaminer leurs proches les a rendu extrêmement anxieux et rentrer à la maison est une crainte à franchir.» L’autre moitié des patients présente des troubles cognitifs ou un handicap et risque de contaminer leur foyer ou communauté de résidence. Les premiers patients sont déjà rentrés à la maison se félicite Sabrina Delean. «C’est très gratifiant et signe que l’on a fait ce qu’il fallait faire.»
Comme beaucoup de soignants, l’infirmière vit avec la crainte de contaminer son entourage, et particulièrement sa fille de 10 ans. «J’ai dû mettre une distance physique avec elle, ce qui limite les moments de câlins, heureusement à son âge elle peut comprendre.» Et il y a aussi la peur de tomber malade «et de ne plus pouvoir être présente pour assurer les soins, et qu’en bout de chaîne les patients en pâtissent». A cela s’ajoute le stress et la tension à gérer quotidiennement, et l’incertitude face à ce que son équipe va vivre dans les prochains jours et semaines, suivant l’évolution de la pandémie.