Assurance maladie: pourquoi les primes vont fortement augmenter en 2024

Les primes d'assurances maladie vont augmenter à l'automne prochain, c'est à peu près inéluctable. A l'OFSP, on annonce même une hausse plus élevée en 2024 que les années précédentes.

Thomas Christen, directeur suppléant de l'OFSP (au centre), s'exprime aux côtés de Philipp Muri, chef de la division Surveillance des assurances (à gauche), et de Karin Schatzmann, coresponsable de la division Prestations d'assurance-maladie (à droite), lors d'une conférence de presse sur les coûts de la santé et les primes d'assurance-maladie, le jeudi 25 mai 2023, au siège de l'OFSP à Berne. | Keystone / Anthony Anex

C’est une promesse qui va faire mal au porte-monnaie: les primes d’assurance maladie vont fortement augmenter en 2024. C’est du moins ce que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a annoncé ce 25 mai, chiffres à l’appui. En cause: l’importante hausse des coûts en ce début d’année 2023, les pertes enregistrées en 2022 dans l’assurance de base, et enfin des réserves disponibles en forte baisse.

Pourquoi on en parle. Le sujet des primes anime le débat public en automne généralement: au moment de l’annonce des hausses pour l’année suivante. En 2023, la situation est déjà alarmante en mai avec une hausse des coûts de 6,9% entre les premiers trimestres 2022 et 2023. Et la perte de 1,7 milliard enregistrée dans l’assurance obligatoire des soins (AOS) en 2022 devra également être compensée. Enfin, les hôpitaux universitaires demandent une hausse de leurs tarifs pour 2024, sans quoi une «catastrophe financière» est prévisible. Hausse qui se répercutera en partie sur les primes. Autant d’éléments qui font frémir les assurés qui devront bien passer à la caisse en 2024.

Le contexte. D’un point de vue financier, le système de santé suisse est à la dérive. Le refrain est connu, mais la situation s’est encore aggravée ces derniers mois. Non seulement les réformes politiques pour juguler les hausses sont limitées et peinent à aboutir au Parlement, mais les acteurs du système continuent à se rejeter la responsabilité des hausses et de l’échec des réformes.

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Le système est donc à bout et les perspectives sont franchement négatives. Ces deux dernières années, les primes encaissées n’ont pas permis de couvrir les coûts de la santé; ce qui a obligé les assurances maladie à puiser dans leurs réserves pour faire face. Le Covid, notamment, a encore eu un effet négatif sur les coûts de la santé avec une charge spécifique de 450 millions de francs en 2022. La prise en charge des patients Covid à l’hôpital représente les trois quarts du montant.

En ce début d’année, les coûts s’envolent et cette spirale haussière sera encore aggravée par le besoin exprimé par les professionnels de la santé de revoir leurs rémunérations à la hausse, inflation oblige. Ainsi, les hôpitaux universitaires du pays ont annoncé le 23 mai qu’ils avaient enregistré une perte de plus de 200 millions de francs en 2022 et ils s’attendent à une perte de 300 millions pour 2023. Dans ce contexte, ils demandent:

«comme mesure immédiate, une hausse des tarifs de remboursement des prestations, trop bas depuis des années. Si les hôpitaux universitaires ne parviennent pas à s'entendre avec leurs partenaires de négociation sur les hausses des tarifs de remboursement des prestations couvrant les coûts d'ici le milieu de l'année, ils se verront contraint de résilier les conventions tarifaires existantes.»

Pour Thomas Christen, directeur suppléant de l'OFSP:

«Nous sommes sceptiques quant au fait qu’une hausse linéaire de 5% pour ces hôpitaux soit acceptée. Mais il reste possible qu’ils obtiennent gain de cause pour une hausse en fonction des négociations tarifaires en cours.»

La charge supplémentaire sera en partie absorbée par les assurés via leurs primes.

Enfin, un rattrapage supplémentaire devra être consenti sur les primes 2024, comme l’a expliqué Thomas Christen en conférence de presse ce 25 mai:

«Deux fois plus de personnes que la normale ont changé d’assurance maladie en 2023 à cause de la hausse des primes. Au passage, les assurés ont augmenté leur franchise et ont limité volontairement le choix du fournisseur de prestations.

La hausse réelle des primes pour l'année en cours sera probablement un peu moins élevée que prévu. Les recettes des assurances maladie devraient donc diminuer en 2023. Mais comme les coûts continuent d'augmenter, un léger effet de rattrapage est à prévoir.»

Le détail chiffré. Pour illustrer le contexte tendu actuel, l’OFSP a livré le détail chiffré de la situation. Ce qui laisse planer peu de doute sur la hausse des primes pour 2024, tendance confirmée par Thomas Christen:

«En 2024, la hausse devrait être plus élevée que ces dernières années. C’est surtout lié au fait qu’il n’y a plus de marge de manœuvre avec les réserves.»

La problématique s’articule sur plusieurs axes:

Evolution des coûts. La hausse sur 12 mois est de 3,4%. Mais lorsqu’on compare le premier trimestre 2022 à celui de 2023, la hausse est de 6,9%.

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Secteurs les plus en hausse. Une augmentation des coûts supérieure à la moyenne entre 2021 et 2022 est enregistrée pour les analyses de laboratoire en cabinet médical, l’ambulatoire hospitalier, les pharmacies, les médicaments remis en cabinet médical, les EMS, les physiothérapeutes et les soins à domicile.

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Les primes ne couvrent plus les coûts. Ces deux dernières années, les primes encaissées n’ont pas permis de couvrir les coûts.

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Les réserves en baisse. Conséquence directe: les assurances maladie ont dû puiser dans leurs réserves pour combler le déficit. Les réserves ont donc joué leur rôle de coussin de sécurité. Mais le déficit est aggravé par une année boursière particulière mauvaise en 2022. Les sociétés actives dans l’assurance obligatoire des soins ont ainsi enregistré une perte globale de 1,7 milliard de francs. Le seuil de solvabilité des assurances maladie n’est pas inquiétant, mais il n’existe plus de marge de manœuvre pour amortir une année supplémentaire où les primes encaissées seraient plus basses que les coûts engagés.

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En bout de chaîne, l’assuré demeure prisonnier d’un système qui coûte de plus en plus cher, sans possibilité concrète de se révolter.

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