Affaire Morel: face à un cas «aussi grave», Swisstransplant «ne peut pas en rester là»
Pour Bertrand Kiefer, éthicien, médecin, rédacteur en chef de la Revue médicale suisse, l’affaire Philippe Morel soulève des questions éthiques «d’une extrême gravité». Selon lui, la prise de position de Swisstransplant, publiée le 21 avril, ne dédouane en aucun cas le chirurgien genevois, mais appelle à une clarification et un effort de transparence de la part de l’institution. Entretien.
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Heidi.news – La prise de position de Swisstransplant est très prudente et la fondation ne s’exprime pas sur les faits. Pourquoi le cœur de leur message pose problème?
Bertrand Kiefer – La question éthique soulevée est d’une extrême gravité. Selon ce que Heidi.news a publié, le patient a été mis sur la liste d’attente de manière discutable, et à la condition expresse qu’il ne soit greffé que si aucun patient domicilié en Suisse ne soit éligible pour le même organe. Condition qui, en l’occurrence, n’était pas remplie.
Ce patient a par ailleurs été opéré beaucoup plus rapidement que l’immense majorité de ceux qui se trouvent en liste d’attente: placé en liste en mars, greffé en avril, selon les extraits publiés du protocole.
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Alors qu’on sait que les patients attendent souvent des années, en tout cas bien davantage que deux mois. Face à tout cela, le communiqué de presse de Swisstransplant se limite à évoquer de façon sibylline une «erreur de communication». Pour moi, on ne peut pas en rester là.
Pourquoi?
Je connais peu de cas en médecine qui soient aussi graves sur le plan éthique que de privilégier un patient par rapport à d’autres, surtout lorsqu’il s’agit de vie ou de mort. Swisstransplant ne peut pas se cacher derrière le «secret professionnel» et le «secret médical» pour justifier sa réticence à détailler les faits dont elle dispose et les principes qu’elle applique.