A Genève, le problème des cocottes perdues

Unsplah / Sippakorn yamkasikorn

Des poules laissées en liberté ont semé le désordre dans le poulailler du parc Beaulieu, à Genève. Alors que la mode des gallinacées gagne les milieux urbains, les égarements sont courants. Un phénomène notable, en pleine épidémie de grippe aviaire.

C’était un jour comme un autre, il y a quelques semaines, aux Galinettes urbaines. Des membres de l’association emblématique du Parc Beaulieu, à Genève, effectuaient le nettoyage quotidien du poulailler mobile et nourrissaient une dizaine de becs affamés.

Soudain, un cou nu fait irruption dans la bande de gallinacés. «Cette poule n’avait rien à faire là, relate Regina Weick Sepe, membre de l’association. Elle errait dans le parc, quand elle a été repérée et ramenée par deux promeneurs.»

Comportement «inhabituel». La poule s’avère être un coq, ce qui crée un certain émoi dans une troupe à l’équilibre établi. Regina Weick Sepe:

«Il ne se comportait pas comme un poulet normal. Il gloussait comme un poussin et ne savait pas comment attraper les graines, sauf si elles étaient dans une main. Il montait facilement sur les épaules. On sentait qu’il était habitué au contact direct avec les humains.»

Le coq impromptu est bientôt suivi de deux autres volailles.

«Une dame nous a emmené une nouvelle volaille d’une autre race, également trouvée en train de se promener dans les environs. Puis, quand un troisième – aussi cou nu — trouvé dans le secteur nous est parvenu, quelques jours plus tard, nous avons décidé de contacter la police municipale.»

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Une poule bichonnée sur trois. Incapables de trouver refuge pour toutes ces cocottes égarées, les agents amènent une des deux femelles au Centre ornithologique de réadaptation (COR) de Genthod. Sur place, la poule égarée profite d’une existence bichonnée. Son salut reste cependant anecdotique, note le président du centre Patrick Jacot:

«Nous accueillons deux à trois poules ou coqs par an. Nous avions gardé un coq plusieurs années. C’était la mascotte du centre jusqu’à ce que le renard en fasse son repas. De nombreuses espèces achetées sur les marchés en France voisine ou dans le sud de l’Europe finissent dans le four pour des plats familiaux.»

Et le protecteur des oiseaux de mettre en garde:

«Ces pratiques sont interdites en Suisse, sans autorisation du vétérinaire cantonal, mais la misère de certaines familles pousse à ce genre d’actes. Ces oiseaux peuvent être porteurs de virus et leur entretien demande un énorme engagement.

  • Financier, pour la construction du poulailler.

  • Et temporel, pour le nettoyage des fientes et l’entretien des locaux.

  • Les gens ont aussi tendance à mal nourrir les poules, alors qu’il y a des mélanges de graines avec certains compléments nutritifs, notamment le calcium, nécessaires pour la production d'œufs.»

La campagne en ville, est-ce bien? Face à un engouement croissant pour les poules dans les ménages privés, la Confédération et la Protection suisse des animaux (PSA) viennent de rédiger un communiqué pour sensibiliser le public sur les règles de leur détention.

À Genève, la mode des poules s’appuie en partie sur le projet Cocorico, une initiative de la Ville lancée il y a une dizaine d’années. Comme certaines mesures visant à une présence accrue de la nature en ville, elle suscite des inquiétudes – à l’instar des installations de ruches d’abeilles, qui font concurrence aux abeilles sauvages, ou les autels d’insectes, qui attirent les foudres de voisins envahis par des nuisibles.

«Les poules en ville suscitent de l'intérêt, mais gérer un poulailler prend du temps et demande un certain savoir», commente Gaetan Morel, chargé de projets au Service Agenda 21 – Ville durable, le service de développement durable de la Ville:

«Au final, peu de gens se lancent dans l'aventure. Nous voyons surtout un engouement pour les potagers urbains, qui sont peut-être plus simples à entretenir et installer.»

Patrick Jacot (COR Genthod) se veut plus critique:

«Je ne vois aucune plus-value à installer un poulailler en ville. Les poules s’égarent. Elles servent davantage au divertissement des enfants qu’à la transmission d’un esprit rural.»

Les poulaillers ne sont pas des refuges. À Beaulieu, où la poule et le coq égarés s’accommodent de leurs nouvelles conditions de vie, une inquiétude demeure, tout comme le mystère des origines de ces gallinacées.

Regina Weick Sepe:

«Nous ne sommes pas un refuge. Nous avons un nombre limité de places et notre mission initiale est de conserver des espèces locales de poules en voie de disparition et non pas d’accueillir des animaux abandonnés ou perdus. Nos objectifs statutaires sont la découverte par les habitants et les visiteurs de la vie des poules, ainsi que la promotion d'une agriculture de proximité en milieu urbain. Il est extrêmement difficile de placer ces oiseaux.»

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