Tout un chacun sait que le métier d’infirmière et infirmier est difficile non seulement pas la nature même de leur travail mais également à cause de leurs conditions de travail. Ainsi, ce n’est pas moins de 46% des soignants diplômés qui quittent prématurément la profession pour cause, notamment, d’épuisement ou de cadre de vie insatisfaisant, à force de cumuler les nuits et le travail de week-end.
Le vrai problème: le système de financement à l’acte
Le cadre est posé. Les besoins sont clairs et énormes. C’est ce à quoi répond l’initiative «Pour des soins infirmiers forts» sur laquelle nous voterons le 28 novembre prochain: augmenter le nombre d’infirmière et infirmiers formés dans notre pays; faire en sorte que le système de financement des soins infirmiers soit amélioré (ce qui améliorerait les conditions de travail du personnel soignant et aurait comme effet de les garder plus longtemps dans la profession); et ainsi continuer à assurer la qualité des soins et la sécurité des patients.
Le contre-projet lui, s’il tente également une offensive d’envergure dans la formation qui est à saluer, laisse de côté l’aspect fondamental des conditions de travail du personnel soignant qui permettrait d’augmenter son nombre: le système de financement des soins.
Le problème de la Suisse, et de beaucoup d’autres pays, est le système payant à l’acte. Ainsi, les opérations sont programmées: cataractes, hanches, genoux etc. Mais dès qu’arrive un pic (une épidémie de grippe par exemple), il n’y a plus suffisamment de personnel. Ce système de flux tendu et de paiement à l’acte a pour conséquence que l’on ferme des lits aux soins intensifs dès qu’ils sont vides. Il n’y a pas d’actes dans un lit vide, donc pas de financement. Donc on préfère diminuer le nombre de lits ET du personnel qui est nécessaire pour chaque lit en soins intensifs. Mais avec une conséquence: en cas d’augmentation, le personnel n’est plus suffisant, il est sursollicité et épuisé.
Et si on finançait «le temps à attendre»?
Ce qu’aborde l’initiative mais pas son contre-projet est fondamental: et si dans le système de financement des soins infirmiers, on finançait également «le temps à attendre» et pas seulement l’acte? Un peu comme chez les pompiers. Les pompiers n’éteignent pas des feux (l'acte) 24 heures sur 24. Ils passent peut-être 23 heures «à l’attendre», mais dès que le feu se déclare, alors tout est prêt. En termes de personnel et de structure.
Pour résumer, par rapport au contre-projet, l’initiative aborde la question des conditions de travail, ce que le contre-projet ne fait pas. L’initiative, elle, exige des règles fédérales pour fixer des dotations en personnel dans les services de santé et mieux rémunérer les soins infirmiers.
Plutôt que de payer très cher les actes médicaux planifiés, il faut renforcer le financement des soins de première ligne. C’est la condition pour sortir de la logique du flux tendu et avoir des réserves de capacité dans les hôpitaux, les EMS et les services de soins à domicile qui permettraient de gérer les pics d’activité sans épuiser à chaque fois les équipes.
Alors le 28 novembre, un énorme OUI à l’initiative pour des soins infirmiers forts. Parce que les infirmières et infirmiers méritent mieux que des applaudissements. C’est à notre tour de passer à l’acte!