Susch, ses trois clochers et sa milliardaire polonaise
Je croyais avoir vu à Zuoz et dans ses environs l’essentiel ce que pouvait offrir l’Engadine aux amateurs d’art. Mais c’est en Basse-Engadine, dans un village de 200 habitants, que j’ai découvert le plus surprenant des lieux d’art: le Muzeum Susch de Grazyna Kulczyk.
Je m’attends à être reçue par Catwoman. Sur les photos consultées avant ma visite, la milliardaire apparaît en veste de cuir noir, bras croisés, prête à livrer combat. C'est donc sur mes gardes que je pousse la porte de son bureau. Et un peu surprise que je découvre cette petite femme en pull cachemire Dior, toute menue, prévenante et posée, qui m’invite gentiment à m’asseoir sur un tabouret en bois.
Susch, arrêt sur demande. Comme beaucoup de Romands, j’ai découvert ce village en parcourant l’Engadine, l’été où nous étions privés de Provence ou de Toscane. Au Moyen Age, Susch, au pied du col de la Flüela, était une halte sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Au monastère, les moines brassaient la bière. Aujourd’hui, c’est l’une des dernières stations avant que le train ne disparaisse dans le tunnel de la Vereina et rejoigne Zurich, deux heures et demie plus tard. Un dernier bol d’air avant la ville.
Un indice dans le paysage
De la gare en face du village, on aperçoit trois campaniles: celui de l’église romane au toit pyramidal, celui, plus large, de la tour médiévale des seigneurs de Planta surmontée d’un bulbe et celui, massif, de la Tour la Praschun. Il faut bien regarder pour distinguer une quatrième tour, étrange, aussi lisse qu’un plot d’enfant, aussi blanche que les autres sont grises: la Tuor per Susch de l’artiste Not Vital. Il s’agit du seul indice dans le paysage révélant l'existence d’un des musées les plus luxueusement invisibles du monde, le Muzeum Susch, fondé par Grazyna Kulczyk, la milliardaire polonaise qui me reçoit.