Une scène de la bataille des Eaux-Bleues, en 1362. DR
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Entre Kiev et Moscou, le fossé se creuse quand les bandits de la Baltique écrasent les cavaliers mongols

A l'automne 1362, les Mongols de la Horde d'Or sont défaits par des guerriers de la Baltique, lors de la bataille des Eaux-Bleues. Le grand-duc de Lituanie prend ainsi possession de Kiev. Par cet acte fondateur, l'Ukraine se distingue à tout jamais de la Russie et se rapproche de l'Occident. La Horde d'Or se replie sur Moscou, qu'elle occupera pendant trois siècles, imposant sa langue, ses coutumes et son despotisme oriental.

Publié le 02 mars 2023 13:10. Modifié le 07 mars 2023 09:15.

Éternelle soit la gloire de Perkūnas, dieu du tonnerre! C'est peut-être en ces termes qu’Algirdas (aussi appelé Olgierd), grand-duc de Lituanie, laissa éclater sa joie en ce jour d'automne 1362, lorsque ses armées défièrent les cavaliers de la Horde d'Or. Les informations manquent sur le déroulement, la date et le lieu exact de cette bataille. On admet aujourd'hui qu'elle eut lieu dans l'ouest de l'Ukraine, sur les bords de la rivière Sinioukha, non loin du village de Sinie Vody ou Eaux-Bleues, l'actuel Torhovytsia, à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Lviv.

On doit l'unique description des événements à un Polonais, Mathias Strykowski, connu comme historien et poète. Il rédige son texte en 1582, plus de deux siècles plus tard. Seule certitude, l'issue défavorable aux Mongols, qui avaient soumis la Rus' de Kiev dès 1240 (lire l'épisode précédent). Cette bataille des Eaux-Bleues s'avère déterminante, pour l'Ukraine comme pour la Russie.

Un empire, quatre régions

Depuis le début du 13e siècle, les Mongols ont étendu leur empire sur tout le continent eurasiatique. Leurs armées ont tenté de soumettre, avec de divers succès, le Japon, Java, l'Egypte, la Hongrie, l'Inde, la Chine, la Pologne, la Syrie, l'Ukraine, la Russie, l'Iran, le Vietnam, et d'autres pays et régions. Sur une surface aussi gigantesque et peu peuplée, il était inévitable que des factions se disputent le pouvoir, central ou régional. Dès 1300, l'empire est divisé en quatre régions.

La région formée par les actuelles Ukraine et Russie occidentale est dominée par la partie de l'empire que les Russes appellent Horde d'Or, ou Grande Horde selon les Mongols. En 1313, la conversion à l'islam d’Özbeg Khan, dirigeant de la Horde, ouvre un gouffre entre la minorité régnante, venue de Mongolie, et une population locale résolument slave et orthodoxe. A la mort d'Özbeg, l'un de ses fils assassine l'autre avant de se faire lui-même trucider. Suit une période de troubles internes et de successions litigieuses. Cent-vingt ans après avoir pris Kiev à la faveur des querelles entre princes concurrents, les Mongols semblent voués à un destin similaire.

Moscou préféré à Kiev

Lors de leur invasion au début du 13e siècle, Moscou ne représentait pour les Mongols qu'un avant-poste commercial entouré de forêts, un Désert des Tartares, un Rivage des Syrtes. Kiev constituait le centre névralgique incontesté de tout cet espace. Ayant pris puis rasé la ville en 1240, la Horde d'Or y installe le prince Alexandre Nevski, descendant de Volodymyr le Grand. Nevski épouse les us et coutumes mongols ainsi que la fille de Batou Khan, le petit-fils de Gengis.

Lire l’épisode précédent: Et si l'invasion mongole de 1240 permettait d'expliquer la guerre actuelle en Ukraine?

Promu grand-prince de Vladimir et chef suprême de la Russie par ses suzerains, Nevski ouvre trois siècles de colonisation de la Horde d'Or, au profit de Moscou et de la Moscovie et au détriment de Kiev. En 1325, le métropolite de Vladimir transfère sa résidence à Moscou, ce qui augmente considérablement le prestige de la ville.

Tandis que l'ouest de l'Ukraine et la région de Kiev sont en proie à des soulèvements épisodiques contre la Horde d'Or ou des incursions polonaises et lituaniennes, Moscou et la Moscovie s’agrandissent et se renforcent rapidement. La construction du Kremlin est entamée. Les descendants de Nevski s'orientalisent à vue d'œil, tout en demeurant orthodoxes.

Une menace nommée Lituanie

Voilà le paysage politique avant la bataille des Eaux-Bleues. Comme toujours avec l'Ukraine, les menaces extérieures sont légion. La première reste l'Europe catholique et ses croisades nordiques: dès 1193, elles pourchassent, massacrent et convertissent les païens ainsi que les orthodoxes des bords de la Baltique.

La conversion des Mongols à l'islam a ajouté un ennemi à abattre.

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