Manifestation à Kiev en 1991. Sur la pancarte: l'Ukraine sort de l'URSS. (C) Archives centrales du cinéma et de l'image d'Ukraine.
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Le jour où l'Ukraine a offert ses armes atomiques à la Russie, en échange... du respect de ses frontières

Une quasi-unanimité. Le 1er décembre 1991, 92% des Ukrainiens votent pour la séparation d’avec l’Union soviétique, y compris en Crimée. Minée par le discrédit du parti communiste, affaiblie par l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, l'URSS s’effondre de l’intérieur. Mais Moscou, qui revendique l'essentiel de l'héritage soviétique, en particulier dans le domaine nucléaire, ne tarde pas à instaurer un nouveau rapport de force avec Kiev.

Publié le 14 avril 2023 05:55. Modifié le 18 avril 2023 19:23.

Je venais d’avoir 18 ans. Dans le sinistre dortoir de mon internat catholique, en Suisse, nous étions privés d'électricité dès 21h30. Le 9 novembre 1989, le monde entier avait les yeux rivés sur Berlin. Caché sous ma couette, je gardais l'oreille collée à mon petit transistor à piles. Lorsque enfin le journaliste confirma la nouvelle, je ne pus résister, je sautai du lit et criai à la chambrée: «Le Mur de Berlin est tombé!»

Si l’on en croit les livres d'histoire, les dirigeants des grandes puissances de l’époque n'en avaient pas déduit que cet événement signifiait, à court terme, la fin de l'Union soviétique. Pour nous, jeunes lycéens, cela ne faisait aucun doute.

De nombreux camarades se précipitèrent à Prague, Berlin, Budapest ou Varsovie dès les vacances d'été 1990. Au moment de choisir mes matières à la faculté des lettres de l'université de Lausanne, le russe m'apparut comme une évidence: la Russie serait un jour une puissance avec laquelle on allait devoir compter. J'avais raison, hélas.

L'ignorance occidentale de l'Ukraine

L'effondrement de l'URSS, le 25 décembre 1991, constitua pour nous une suite logique. Quel cadeau de Noël, ce monde entièrement nouveau et excitant qui s'ouvrait, et nous en même temps. Nos regards ne se portaient que sur Moscou.

Dans ce monde uniformément gris et inconnu, qui avait terrorisé nos parents avec la crise des missiles de Cuba en 1962 et monopolisait les rôles de méchants dans les grosses productions hollywoodiennes, nous ignorions complètement Kiev. L'Ukraine était partie intégrante de l'URSS, différenciée de la Russie par le seul nom. Était-ce un pays? La question ne nous intéressait pas.

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Berlin, novembre 1989. Trois jeunes de Berlin-est se précipitent à l'ouest.(KEYSTONE/DPA)

Il est important d'évoquer cet état d'esprit alors que nous entrons dans l'histoire immédiate de l'Ukraine. Cette ignorance est profondément ancrée en Europe occidentale. Soudainement remplacée par une omniprésence médiatique et un rapport émotionnel à ce pays, elle persiste. Et si tout le monde connaît la date de l’invasion russe, le 24 février 2022, rares sont ceux qui peuvent en expliquer les causes lointaines ou immédiates.

C'est dans cette thématique que nous entrons, avec prudence, aveu d'ignorance et excuses préemptives.

Accrochés aux rideaux mités du bolchévisme

«Êtes-vous favorable à la déclaration d'indépendance de l'Ukraine?» Voilà la question lapidaire à laquelle les Ukrainiens ont été priés de répondre, le 1er décembre 1991, dans un référendum d'autodétermination. Se déclarant, sans surprise, favorables à plus de 92%, la population entérine la Déclaration d'acte d'indépendance de l'Ukraine du 24 août précédent, date devenue fête nationale. Validé par 321 parlementaires contre deux refus et six abstentions, ce texte a été rédigé à la hâte au milieu de la nuit et voté aux petites heures du matin. Il reprend les grandes lignes de la déclaration de souveraineté de l’Etat d'Ukraine par le Conseil suprême de l’été 1990, dans lequel il était proclamé que l'Ukraine n'utilisera pas, ne produira pas et ne stockera pas d'armes nucléaires.

Août 1991, c’est le mois où tout s’est accéléré suite au putsch raté du 19 août à Moscou. Certains lecteurs se souviennent peut-être de ces jours irréels, dans la moiteur de l'été, où apparut sur nos écrans une brochette d'hommes en costume, avec des lunettes à grosses montures, la mine sinistre et le regard vide.

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