J’ai reçu une mission: vous raconter l’Ukraine en dix dates historiques
Mettez «bataille de Kiev» dans un moteur de recherche, et vous en trouverez au moins 23, entre l'an 898 et 2022. De fait, contrairement à la Suisse, l'Ukraine existe en dépit de sa géographie et de ses voisins, et non grâce à eux. Il ne sera donc pas trop de dix dates pour prendre du champ sur la guerre en cours. Première étape, le baptême de Vladimir ou Volodymyr, ou plus exactement Valdemar, un Viking ayant conquis les bords du Dniepr. Plus de mille ans plus tard, malgré sa géographie, malgré ses ressources, malgré la Russie, malgré la paresse et l'ignorance du monde occidental, malgré l'impéritie de ses propres dirigeants, envers et contre tout, l'Ukraine existe encore.
Helvetia Felix! Bienheureuse Helvétie. Protégée par ses monstres de granit, vide de toute ressource naturelle, personne, parmi ses belliqueux voisins, n’a jamais fomenté le projet de l’envahir. Pourquoi s’y risquer lorsqu’on doit affronter des sommets effrayants et qu’on ne trouve, une fois sur place, ni plaine à blé, ni mine d’or, ni port maritime? Seul Napoléon s’y est essayé, mais c’était sur l’insistance des Suisses eux-mêmes. Le Premier consul les dota d’ailleurs d’une première Constitution.
Ainsi donc, la Suisse existe, grâce à sa décourageante géographie et grâce à ses voisins qui s’en servent comme d’une banque ou d’une école pour leurs rejetons.
L’Ukraine n’a pas connu cette chance. C’est même un euphémisme, lorsque l’on jette un coup d’œil à son histoire. Entrez «bataille de Kiev» dans un moteur de recherche, vous aurez le choix entre 23 dates, entre l’an 898 et 2022. Sur le territoire ukrainien, guerres et massacres se sont succédé avec la régularité des marées bretonnes. L’année qui vient de s’écouler nous le rappelle péniblement.
Peut-être sommes-nous trop obnubilés par les mouvements de troupes dans le Donbass et les livraisons de chars d’assaut allemands pour comprendre ce qu’est l’Ukraine.
Comme la Suisse, l’Ukraine existe
Car comme la Suisse, l’Ukraine existe. Comme la Suisse, l’Ukraine est située à la charnière de plusieurs peuples. Mais contrairement à elle, rien n’y décourage les envahisseurs. Pire: depuis plus de mille ans, ses plaines gorgées de rivières encouragent tous ses voisins à venir y tester le fil de leurs épées ou la vélocité de leurs missiles. Et comme si cela ne suffisait pas, ces plaines sont aussi les plus fertiles et les plus vastes d’Europe. Elles nourrissent depuis des millénaires les peuples alentour, jusqu’au-delà des océans.
Contrairement à la Suisse, l’Ukraine existe en dépit de sa géographie et de ses voisins, et non grâce à eux.
A l’heure où l’on commémore le lugubre anniversaire de l’invasion russe du 24 février 2022, il est utile de revenir sur cette épopée. Mille ans d’histoire pour comprendre un an de guerre. Voilà la mission que m’a assignée la rédaction de Heidi.news pour cette série, que je vais tenter de mener à bien en dix épisodes. Chacun détaillant une date, ses protagonistes et ses conséquences.
Dix articles pour comprendre d’abord que l’Ukraine existe, qu’elle n’est ni une création soviétique, ni une réaction à l’agression poutinienne et encore moins un croupion archaïque de la Russie moderne. Pour saisir aussi que non seulement l’Ukraine existe, mais qu’elle est un pays clé de l’histoire européenne, depuis des siècles. Que sa culture religieuse, ses relations avec ses voisins, ont joué un rôle crucial, trop souvent négligé à l’Ouest.
Des frères ennemis
Pour essayer de comprendre, enfin, cette confondante tension entre Russes et Ukrainiens, pour le meilleur et plus souvent pour le pire. Slaves et orthodoxes, voisins et cousins, la rivalité qui les oppose est obscure et sacrée, comme toutes les haines fratricides. L’Europe est minée de conflits familiaux de cette nature – Catalans contre Castillans, Serbes contre Croates, Ecossais contre Anglais, tous si proches et ressemblants mais résolument ennemis. En esprit, si ce n’est en actes.
Dans le cas des Russes et des Ukrainiens, la volonté des premiers de soumettre les seconds est en train de changer la face du monde. Les blocs se réalignent, la planète entière est sommée de choisir son camp.
Il ne sera donc pas trop de dix dates pour prendre du champ sur la guerre en cours. Première étape, le baptême de Vladimir ou Volodymyr, ou plus exactement Valdemar, un Viking ayant conquis les bords du Dniepr.
Plus de mille ans plus tard, malgré sa géographie, malgré ses ressources, malgré la Russie, malgré la paresse et l’ignorance du monde occidental, malgré l’impéritie de ses propres dirigeants, envers et contre tout, l’Ukraine existe encore.